I
l y a eu L'incal, Après l'Incal, puis Avant L'Incal. Fort Logiquement, après la Caste des Metabarons et les Technopères, on pouvait s'attendre à Castaka, autrement dit, avant les Métabarons. Jodorowsky n'a pas inventé la préquelle, mais cette astuce scénaristique qui consiste à relancer une série par son passé quand donner une suite chronologique est devenu trop complexe lui convient à merveille. On ne compte plus les qualificatifs de génial, incompréhensible, unique, énervant, phénoménal… qui émaillent son œuvre. Certains lui reprochent de se copier lui-même sans arrêt tandis que ses fans en voudraient toujours plus (alors que sa production est déjà respectable). Jodo, comme on surnomme ce chilien de bientôt 70 ans, est sans doute un peu tout cela à la fois, et donc, sans surprise, Castaka se fond en douceur dans le moule des nombreuses séries dérivées de l'Incal, avec dans l'ensemble les mêmes attraits et aussi les mêmes défauts.
Par rapport à une simple suite, la préquelle présente l'intérêt de démarrer en principe une histoire, et donc de pouvoir être découverte sans connaître l'ensemble. C'est en effet le cas ici, ce qui constitue une différence notable avec les autres séries de cet univers. Revenant aux sources, l'histoire s'accommode également de décors bien plus « naturels » et d'éléments plus rustiques (l'arme blanche à la place du laser) que dans les derniers albums parus, ce qui simplifie grandement la tâche d' « humanisation » des personnages. Pour le reste, on reste dans le domaine de la tragédie intergalactique avec sa cohorte de figures imposées (code de l'honneur, trahison, combats homériques, manœuvres politiques, amour impossible etc…).
Jodorowsky n'a rien inventé dans ce domaine (ni personne d'autre finalement depuis Homère) mais c'est là qu'il est sans doute le plus doué. Ce type d'histoire peut facilement devenir pesant ou verbeux, hermétique ou soporifique, mais l'auteur a l'art de simplifier et de fluidifier la narration au point de captiver un lectorat pas forcément friand de ce type d'aventures à la base. Avec lui, la notion d'album de présentation n'existe pas, et même si ce premier tome présente les bases de ce que vont devenir ensuite les fameuses castes, il fait aussi la part belle à l'action, ce qui permet à Das Pastoras de s'exprimer totalement.
Un talentueux espagnol en a remplacé un autre au dessin, avec une facilité déconcertante qui rassurera d’emblée les fans de Gimenez. Ce type d’histoire offre qui plus est la possibilité de réaliser des plans ambitieux et le résultat est en effet spectaculaire, même si la colorisation semble parfois inégale.
Le pari est donc réussi : après des Technopères « mitigés », Jodo redonne un coup de fouet à cet univers baroque. Jusqu’à quand ?
Je suis toujours aussi impressionné par les histoires signées Jodorowsky. On peut le prendre pour un auteur fou ayant des délires sexuels sauvages. Mais, c'est pour moi un génie.
On retrouve le thème du complot, de la caste familiale, de l'initiation dans ce vaste space-opéra.
Les dessins sont de toute beauté. Le dessinateur a le souci du détail. Pourtant les scènes dans l'espace seraient encore à améliorer.
Au vu de la couverture, j'ai cru qu'il s'agissait d'une histoire d'indien à la Géronimo. Il n'en n'est rien! De la pure science-fiction dans ce qu'il y a de meilleur.
Autre bémol: l'auteur nous indique que le peuple des Castaka ont un étendard blanc. Mais quand la reine Castaka se fait enlever dans son jardin, flottent des étendards rouges qui sont normalement la propriété de leur ennemi. Erreur ? C'est toujours dérangeant pour moi qui est le souci du détail.