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erwan Kader est un jeune beur qui a vu sa vie bouleversée et ses convictions musulmanes vaciller lors de sa rencontre avec Halid Riza, un écrivain turc renommé faisant l'objet d'une fatwa. Kader tuera Riza accidentellement, mais après avoir découvert à son contact qu'il peut y avoir d'autres visions de l'Islam. Un livre, Nahik, le hante désormais tous les jours car y était reproduite l'aquarelle d'une omoplate de chameau sur laquelle figure dix préceptes qui auraient été écrits de la main du prophète. Merwan pensait qu'avec la disparition du livre, disparaîtraient également toutes ses questions. Sa cavale et sa quête l'entraînent à Glasgow sur les traces d'un écrivain qui aurait allègrement plagié l'ouvrage vieux de deux siècles, mais également sur les traces sanglantes d'un tueur en série. Son voyage ne s'arrêtera pas à l'Angleterre et le conduira en Suisse où il s'approchera encore plus de la vérité.
Le Décalogue fut un succès en librairie tant par son concept original et novateur, une suite d'albums réalisés par des auteurs différents à chaque tome, que par son sujet délicat, la religion musulmane et les difficultés d'en analyser les origines. Giroud a, en effet, souhaité développer un thème autour de dix commandements laissés par Mohamet et capable de remettre en cause les fondements mêmes de l'Islam, tout ceci dans le cadre d'une œuvre fictive. Car le talent de l'auteur est bien là, il joue, use et abuse de ce lien étroit entre la fiction et la réalité au point que l'on ne sache plus très bien ce qui est réel et ce qui ne l'est pas.
Même si le dernier tome du Décalogue apportait beaucoup de réponses, il en posait presque autant, laissant le lecteur sur sa faim. Giroud a donc décidé de poursuivre cette aventure en développant deux séries parallèles : une autour de la famille Nadal, point de départ de son idée originale et une autre autour de Merwan Kader pour continuer à aborder la période actuelle. Le premier tome du Légataire n'apportait finalement pas le lot de révélations attendues, s'orientant sur une intrigue assez classique liée à un tueur en série. Le Songe de Médine permet à Giroud de renouer avec ce qui a fait le succès de sa série : un déroulement dynamique faisant la part belle à l'action accompagné d'éléments de réponses et de réflexions expliquant plus précisement l'origine du Décalogue. Les surprises sont de taille et alors que l'on pensait avoir fait le tour de la question, l'auteur en rajoute déplaçant son récit sur un autre plan. Force est de reconnaître qu'il a une parfaite maîtrise de son sujet, ce qui est loin d'être aisé au vu des controverses qui peuplent les débats s'y rapportant. Son oeuvre est profondément humaniste, il cherche à montrer que tout au long de notre histoire, des hommes ont cherché à rendre ce monde meilleur. On découvre avec cette deuxième partie du Légataire que l'unification des différentes tribus ne pouvait se faire que grâce à une même foi, du coup les questionnements et remises en cause n'y avaient pas leur place.
Joseph Béhé est épaulé par Camille Meyer pour assurer la partie dessin. Le trait de Béhé semble rapide, donnant l'impression de ne pas être aussi travaillé que sur ses précédentes réalisations. Ceci dit, le plaisir de suivre les travaux de cet auteur est intact et c'est bien là le plus important.
Le Songe de Médine permettra aux amateurs du Décalogue un peu déçus par le premier tome du Légataire et son scénario sans grandes surprises de retrouver l'intérêt d'une intrigue bien ficelée et qui laisse présager une suite passionnante en allant au coeur des religions.
Erwan poursuit sa quête quant à l'origine du Nahik. Le voici à Zurich d'où il espère accéder au coffre de sa victime (voir tome 2 du décalogue).
Mais il n'est pas le seul à s'intéresser au contenu de ce coffre.
Ses anciens alliés et employeurs sont également sur la piste, tout comme des services assez secrets que l'on devine avoir des accointances ... avec le Vatican.
Sans être un grand fan, on s'habitue au style de Béhé. Giroud exploite le filon du décalogue, mais ce deuxième tome mélange intrigue policière et révélation religieuse, sans véritable nouveauté, si ce n'est de remettre en cause l'épilogue de décalogue.
Ca se laisse lire, mais ce n'est pas indispensable.
Si le premier tome pouvait laisser supposer une suite intéressante, le deuxième m'a fortement ennuyé. Pire, il casse la série précédente, le mythique "Décalogue"! (Ceux qui ne l'ont pas lu devraient le faire et ne pas lire la suite de ma chronique avant...). En effet, un des éléments primordiaux du "Décalogue" est de découvrir à la fin de l'épopée à contre-temps, que le décalogue n'est pas de Mahomet mais d'un poête contemporain de celui-ci, Mahomet ingorant l'existance de cet écrit. Cet élément laisse libre court à de nombreuses interprétations de la série, de l'Histoire, ainsi que de longues reflexions sur l'Islam... Revenir dessus et accorder le crédit de Mahomet au décalogue est une grande erreur du "légataire". Giroud remet le nez dans ses scénarios antérieurs pour y ajouter d'improbables suites, dans la plus grande des incohérence... Des pièces à conviction et des récits de plus de 1000 ans refont subitement surface, permettant de retrouver magiquement la trace des protagonistes originels... Giroud exploite maladroitement la veine géniale de son Décalogue et finit par en ôter le charme...