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ui est Laurie Bloom, une étoile filante qui à peine aux portes du rêve hollywoodien s’est éteinte ? Elle a disparu des écrans il y a un peu plus d’une dizaine d’années et peut-être disparu tout court aujourd’hui. Peu de traces demeurent de son bref passage. Pour rédiger une biographie de cette actrice, deux Français essayent de recomposer le puzzle et vont marcher dans ses pas à bord d’une Pontiac. Car c’est bien là l’objet de cet album hors normes pour l’époque : une certaine vision du mythe américain.
Entre l’édition originale de 1984 chez Autrement et la réédition proposée aujourd’hui par Casterman, la couverture, outre un dessin actualisé, offre une symbolique assez forte sur le contenu par l’évolution du double titre L’étoile oubliée de Laurie Bloom et Los Angeles qui devient aujourd’hui Los Angeles, 1984 .... En effet, si dans un premier temps l’histoire de Laurie Bloom n’est que prétexte à la découverte de la Cité des Anges par le biais du regard de Bilal et Christin, on se pique de curiosité pour ce destin qui après une envolée fulgurante semble avoir côtoyé divers aspects du sordide lors d’une longue chute qui parait ne jamais devoir prendre fin.
Cette descente aux enfers est narrée de manière atypique et ne correspond pas aux codes usuels de la bande dessinée classique. Si le fil conducteur est bien l’actrice, c’est par une galerie de portraits exotiques que le lecteur évoluera dans un Los Angeles revu et corrigé par le trait de Bilal. Il alterne et mêle là dessin, photo et peinture. 1984 et déjà cette propension à faire ressortir la rouille qui gangrène les métaux par un usage si personnel des couleurs et les anfractuosités du béton par des lignes qui explosent ou implosent hors de l’ordre naturel qui serait édicté par la rigueur de la ligne claire. Album charnière pour le dessinateur, si son graphisme, en particulier les visages, est encore marqué par l’époque de Partie de chasse et de ce qui a précédé, les décors laissent eux présager de ses actuels travaux.
Le texte qui accompagne l’ensemble varie de ton en fonction des besoins. Enregistrement au magnétophone, c’est l’impression que ça donne, des monologues de divers personnages qui ont connu Laurie Bloom. Les propos sont bien en phase avec les portraits respectifs, comme si les auteurs avaient voulu devancer la pensée du lecteur, peut-être un peu trop. Voix off qui décrit mécaniquement les lieux où l’asphalte de L.A. les mène et qui n’est pas sans rappeler les paroles froides égrenées dans le CD Le sommeil du monstre : « Remenber... ». Pas nécessairement agréable à la lecture. Puis quelques descriptifs d’objets ou sites anecdotiques qui viennent ponctuer le tout.
L’étoile oubliée de Laurie Bloom a un peu vieilli, c’est relativement assumé par l’éditeur en quatrième plat. Une fois admis que ce n’est pas réellement une bande dessinée, il est possible de s’immerger dans ce Los Angeles glauque à souhait et de suivre les auteurs dans leurs pérégrinations. Voire même de s’interroger dans ce décor installé à la frontière entre le réel et l’imaginaire sur ce qui relève du plausible...
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