« Hé ! bien, qui m’aime me suive ! » L’homme qui, tout sourire, vient de lancer cela à la cantonade, s’éloigne vers le désert laissant ses empreintes sur le sol. Seul un vautour se met à sa suite... C’est par cette ultime planche emplie d’optimisme que se clôturent les Idées noires, pérégrinations dans l’imaginaire de Franquin.
Véritable bouffée d’oxygène pour leur auteur, les Idées noires lui permirent de s’affranchir des us et coutumes de l’époque. Son côté Mister Hyde va pouvoir pleinement s’exprimer en marge de productions plus classiques et trouver là un exutoire temporaire lui permettant de se libérer de quelques unes de ses angoisses. L'autoportrait en couverture de l’édition originale, où l'on voit Franquin littéralement "broyer du noir", n'était pas qu'une métaphore. Leur première apparition eu lieu en mars 1977 dans le Trombone illustré, supplément débridé du Journal de Spirou, puis se poursuivirent dans Fluide glacial jusqu’en décembre 1984.
La constitution de chaque « Idée » ? Pour ce qui est du premier tome, quelques bons mots de Delporte, certains excellents et d’autres qui ont pris un petit coup de vieux, titrent le contenu. Ce dernier fait appel dans un premier temps à un emploi des cases assez libre, puis la construction revient rapidement à une mise en page plus conventionnelle. Enfin, c’est avec plaisir que l’on retrouve, comme une marque de fabrique, ces signatures qui viennent, en phase avec la pensée du moment, enfoncer le clou. Dans cet exercice le perfectionnisme de Franquin confine à la folie géniale.
Hanté par un spleen qui prend le pas sur l’idéal, le ton de l’ensemble varie entre dénonciation et résignation. Franquin évoque avec justesse le paradoxe de ses contradictions. Si d’un côté le désir de se débarrasser des nuisibles (militaires, nantis, ... et plus simplement l’humain en général ?) est fort, le sentiment d’être par là même tout aussi moche qu’eux rend absurde son propos. Ainsi il fournit là un léger mais véritable manuel de chasse au chasseur, une interprétation au sens strict de la peine de mort et de l’adage « celui qui vivra par ... périra par ... ». C’est avec une efficacité déconcertante qu’il aborde la bêtise, l’inconscience, la lâcheté et l’absurdité de notre monde, avec une poésie et un sens de l'humour redoutables, très bien illustrés par l'adjectif qui servira de titre à un recueil de créatures monstrueuses : Cauchemarrant.
Son travail à la plume est celui d’un stakhanoviste du détail que ses admirateurs pourront pleinement goûter dans le tirage proposé par "Marsu productions" qui fournit un format proche des dessins originaux. Les collectionneurs seront comblés par l’édition "Rombaldi" qui ne se limite pas uniquement aux Idées noires et offre une vue plus globale sur des travaux moins connus de Franquin. Enfin, n’en déplaise aux gardiens du temple, en poche chez "J’ai lu", il trouvera parfaitement sa place sur l’étagère des WC, pour des doses ponctuelles et une approche plus amateur du propos.
Resteront gravées dans nos mémoires des images et des petites phrases anodines en apparence. Les niveaux de lecture sont multiples. Le petit y trouvera un drôle et inquiétant village de schtroumpfs habité par des fourmis, le jeune adolescent retiendra qu’il ne faut surtout pas péter dans le labyrinthe et l’adulte, selon sa tournure d’esprit, y décryptera une multitude de subtilités.
Poétique, drôle et intelligent mais surtout universel et intemporel, nous tenons ici un chef-d’œuvre.
28 février 2007, 50 ans de la création de Gaston...
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Par F. Mayaud
La BD qui DOIT être vue et lue dans les académies d'art, incomparable avec ce soucis du détail le plus infime, j'ai vu des planches originales en exposition c'est inoubliable....
Quand a l'humour corrosif qui transpire sur chaque cases et pour toutes les pages c'est juste grandiose, a l'époque ou ces strips d'idées noires paraissaient dans Fluide Glaciale, je recherchais toujours la page de Franquin avant de lire le reste de la revue, le plus grand des dessinateurs Belges toujours inégalé a ce jour avec cette BD il est au zénith de sa créativité.
C'est un classique inégalé. Franquin dans Fluide Glacial, ça ne pouvait QUE donner ça : de l'humour noir (très noir) impitoyable et inattaquable.
La maturité du trait noir de Franquin le hisse au niveau des incontournable de la bande déssinée, a lire, garder, et relire.
Ouais, et ben contrairement à l'avis général, je n'ai jamais été franchement convaincu par ces Idées Noires. Autant j'adore Franquin pour son Gaston ou son Marsupilami, autant cet album, bien qu'efficace par le dessin, parait être le produit d'un soixante-huitard attardé contestant toute la société à la façon d'un lycéen pré-pubère . Plutôt pitoyable de la part de quelqu'un qui avait sorti de mémorables Spirou et Fantasio...
Que dire de plus !!!! toute l'époque de Fluide glacial lui tout seul !!!
Un peu 68ar mais les planches sont parfois très fines et l'humour, noir, est vraiment présent.
un chef d'oeuvre de Franquin, un concentré d'humour radioactif...