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ous l’ère Kan’Ei, au 17ème siècle, un comptoir commercial hollandais situé à Nagasaki tente de se maintenir tant bien que mal, assailli par les réglementations isolationnistes et contraignantes édictées par le shogun Tokugawa. Hendrik Van Effen fait la connaissance de Kenshin Takeda à la suite d’un malencontreux accident qui a blessé le jeune neveu du vénérable samouraï. Alors que le médecin hollandais se fait remarquer hors des murs du comptoir en pleine nuit, Takeda vient à son secours et décide de lui faire visiter le quartier des plaisirs de la ville. Mais à leur retour, un bruit de sabres les interpelle et, une fois sur les lieux, c'est un cadavre décapité qu'ils découvrent…
Ce nouveau titre de la collection Dédales, mettant en scène des séries policières sur fond historique, est mené par deux grands habitués de la «fumetti» transalpine. Di Vincenzo est professeur de dessin à l’école de BD de Rome, et contribue régulièrement à la mythique série Dylan Dog. Luca Enoch, de son côté, a déjà été aperçu en France par le biais de sa série Morgana.
Rangaku est une série internationale : publiée par un éditeur français, écrite et dessinée par des italiens, située au Japon, et menée par un héros hollandais, elle a le mérite de vouloir s’affranchir de toute frontière. Enoch, loin de tout exotisme mièvre, pose de nombreux petits détails réalistes sur le Japon de l’époque qui font rapidement savoir qu’il ne s’est pas aventuré dans ce glorieux pays oriental en touriste. Hendrik, quant à lui, parle japonais – petit artifice scénaristique – mais ne connaît rien aux us et coutumes du pays, permettant ainsi au lecteur de les découvrir avec lui. Les facilités de ce genre ne servent pas fondamentalement la crédibilité du récit, mais permettent de ménager un rythme dynamique et cohérent. L’amitié qui s’instaure progressivement entre le chirurgien et le samouraï est plaisante, et leur progression dans l’enquête est palpitante. Il est à noter que les relations et confrontations entre japonais et occidentaux sont ici cristallisées par la religion chrétienne, résolument interdite, et incomprise, par le shogounat.
En artisan sûr de lui, Maurizio Di Vincenzo livre des planches à la construction efficace, croque des personnages bien campés et Jean-Jacques Rouger enrobe le tout de couleurs lumineuses. Rien de transcendant, mais c’est de la belle ouvrage, malgré un style un peu impersonnel.
Ce premier tome (sur deux) ne perd pas de temps en vaines agitations, et annonce d’emblée une enquête intrigante à défaut d’être passionnante. C’est bien mené, techniquement irréprochable, et il s’en faut de peu pour que l’on soit surpris.
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