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ictime des avancées technologiques et reconverti en détective privé suite à un coup de téléphone qui ne lui est pas destiné, l'ancien remonteur d'horloge devient le choucas un peu par hasard. Il rapplique là où il n'est jamais attendu, il s'incruste un peu partout où il n'est pas souhaité et souvent il enfonce le clou uniquement pour bousculer l'ordre établi. Il va ainsi traverser la France, se retrouver dans un bouge de l'Amazonie pour finir dans une pension au Québec avec à chaque fois une affaire classée au bout de l'aventure.
Le choucas a tout du corbac, habit noir, regard aiguisé, solitude et opiniâtreté. Il encaisse les coups et les désillusions mais jamais il n'abandonne sa proie ou dans le cas présent, son enquête. Incarnation d'un Philip Marlow franchouillard à souhait, Lax l'a d'abord souhaité en noir et blanc avant que Dupuis n'impose la couleur. C'est donc tout naturellement que l'éditeur publie cette intégrale et offre la possibilité de découvrir, dans ce qui pourrait être une version originale, les six premières aventures. Avant qu'elles ne se transforment en tribulations…
Outre le plaisir de retrouver le détective, cette initiative permet d'apprécier le trait brut de fonderie de Lax et ainsi de noter l'inutilité des couleurs des éditions précédentes. Exceptée sa chemise jaune de chez Fringakian pour atténuer l'austérité, l'encrage se suffit à lui-même pour illustrer les ambiances moroses de la France profonde. Car le Choucas est un héros triste comme les gueules qu'il rencontre et les provinces qu'il traverse, quand il ne sort pas de l'hexagone. Peu d'exotisme et de bimbos au programme mais des affaires souvent sordides et des femmes non dénuées d'un certain charme pour un horloger, fan de "série noire", mis au placard. Même si il n'en mène souvent pas large, cela ne l'empêche pas de mettre systématiquement le feu aux poudres partout où il passe à l'image d'un Poulpe en légèrement plus ringard mais tout aussi sympathique.
Le choucas gagne vraiment à être connu.
Dans la veine policière, Le Choucas est une série qui me tient particulièrement à cœur, car, sous forme d’hommage à la célèbre Série Noire des éditions Gallimard, elle accorde une grande importance au style littéraire et regorge de références. Les textes et dialogues sont ainsi d’une qualité mémorable et Christian Lax, maniant l’humour noir avec efficacité, se sert de sa prose pour donner à ses personnages des caractères bien marqués. Entretenant le côté décalé de ses histoires, il propose des enquêtes pouvant paraître anecdotiques, dont seuls les canards régionaux feraient leurs choux gras.
Ancien ouvrier reconverti dans l’investigation privée suite à un licenciement, celui qui se fait appeler le Choucas partage avec son collègue Jérôme K. Jérôme Bloche le fait d’être tout sauf un professionnel. La façon dont il résout les énigmes, parfois à son corps défendant, témoigne de cet amateurisme qu’une bonne volonté évidente ne suffit pas toujours à compenser. Flegmatique, philosophe face aux déconvenues mais têtu comme une mule, il n’en prend pas moins ses missions au sérieux, n’hésitant pas à s’envoler à l’autre bout du monde pour les besoins de l’affaire en cours.
Le trait faussement hésitant de l’auteur et sa manière d’instaurer des ambiances réellement oppressantes font de cette série la digne héritière du roman noir et lui assurent une place de choix dans la bibliothèque de tout amateur qui se respecte.
Y'a pas à dire, cette BD est géniale! Un très bon dessin, des histoires où se mêlent le tragique et le grotesque, un humour caustique et surtout des personnages géniaux! J'en avais jamais entendu parlé y'a encore 2 mois, et c'est certainement une des meilleures BD que j'ai lu ces derniers temps...