U
n garçon plane au-dessus d’une mer étale. Pris de vertige, il dégringole sur un radeau qui s’échoue bientôt sur une île. Là, un cochon ailé sort d’un œuf étrange et l’emporte sur son dos jusqu’à un château, véritable caverne d’Ali Baba. Les bras et les poches emplis d’or et de pierres précieuses, le voyage reprend. Mais la chute ne tarde pas…
Dream est un conte sans parole. Son scénario paraît assez léger, ou du moins très simple. Pourtant le message de l’auteur est percutant à cause du brusque passage d’un univers onirique et merveilleux dans les tons orangés et marrons, à un autre, plus réel, en noir et blanc. La volonté du duo formé par le garçon et son cochon de s’évader de leur quotidien et de la misère dans laquelle ils vivent, prend corps dans le songe qu’ils font conjointement. Tout est étonnant, possible et les richesses désirées, dépassant même les rêves les plus fous, sont à portée de main. La dégringolade qui suit est d’autant plus rude qu’elle est introduite par de trop grandes avidité et curiosité, comme dans les récits traditionnels. La réalité sans couleur dans laquelle s’éveillent les compères a tout d’un cauchemar. Les six dernières pages sont empreintes d’une cruauté sombre et déprimante que le dénouement comique fait résonner douloureusement.
Mais c’est surtout le graphisme de Liu Feng qui marque et confère à cet album qualité et beauté. L’auteur apporte un grand soin aux détails et à l’expressivité des personnages. Les cases de la partie en noir et blanc sont particulièrement fouillées. L’impression de morosité et l’absence d’espoir transparaissent très bien dans l’architecture à la fois urbaine et industrielle et les visages mornes des passants. Les illustrations des pages bonus révèlent toute l’étendue du talent de ce jeune chinois.
Dream est un manhua à découvrir, ne serait-ce que pour ses beaux dessins.
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