U
n des grands classiques du polar consiste à confier une enquête criminelle à tout autre que le préposé habituel (en général, la police). On connaissait les juges, les instits, les bonnes sœurs, les privés, les journalistes, les moines inquisiteurs, les contractuelles, les libertins trafiquants d’art, les médecins légistes, les grands-mères, les grooms… il fallait être sacrément inventif pour ne pas reproduire une situation déjà vue. Il semblerait pourtant qu’un duo italien ait réussi cette prouesse : ce Maître Rouge qui officie dans l’Italie du XVIIIème siècle est un bourreau qui décapite les assassins. Et c’est parce qu’il a des doutes sur la culpabilité d’un « client » qu’il va s’intéresser de près à une affaire.
Le scepticisme est donc de mise dès le départ : l’artifice de l’enquêteur amateur est devenu trop fréquent pour être original, la couverture n'est pas vraiment aguicheuse, et on ne voit pas où peut mener ce principe du bourreau détective. Cependant, contre toute attente, le lecteur va se laisser prendre au jeu facilement par cette histoire en deux tomes qui paraissent simultanément. Plutôt dépouillée, la trame progresse rapidement et ne s’encombre pas de détails historiques pesants comme on l’a déjà vu par ailleurs. Tout repose sur le personnage central, un bourreau au tempérament complexe qui s’exécute sans passion, ne se révolte pas mais ne veut pas subir, et recherche la justice, ce qui forcément détonne de nos jours alors que la peine capitale n’est plus synonyme de justice.
L’intrigue policière est très conventionnelle, le fait qu’elle se déroule en Italie au XVIIIème siècle n’apportant strictement rien aux événements. Le graphisme, très sobre, se met en retrait de l’histoire. Lisible, même si l’encrage manque de finesse, il repose sur une mise en scène très classique et des couleurs sages dont la seule audace est la cape rouge qu’on repère d’un seul coup d’œil sur chaque planche.
Plutôt dans le haut du panier d'une collection Dédales parfois décevante, le Maître rouge n’apporte rien de révolutionnaire mais s’avère distrayant comme un bon polar. A lire quand la pile de BD en retard se termine…
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