« Pourquoi vous étranglez les gens, M. Esbirol ? »
« Parce qu’il y a du brouillard... et pas de flics dans les rues ! »
« Ils vous ont pourtant rien fait ces gens-là !»
« Et si j'étais fou ? »
Cet échange entre un libraire serial-killer et un jeune garçon de 12 ans qui l’admire résume à lui seul tout ce qui fait la saveur de ce très bon polar « nouvelle vague » (au sens cinématographique du terme) servi par Tardi et Siniac : ambiance, dialogues, humour noir, cynisme…
Avant de paraître dans ce format plus traditionnel, cet album a été lancé sous forme d’un journal publié en 5 numéros au cours des derniers mois. Dans cette diffusion plus confidentielle, on trouvait donc les planches de l’album et aussi des brèves, des fait-divers, quelques articles de fond et d'autres consacrés à l’affaire, ce qui ajoutait à l’ambiance fin des années 50 de l’ensemble. Ces suppléments se retrouvent dans la version album en tête de livre, sans explication : l’effet est hélas bien moins intéressant, à la limite de l’indigeste sous un forme qui n’a rien de pittoresque. Mais surtout, la saveur du feuilleton, dont Siniac et Tardi se sont evertués à respecter les codes en ménageant le suspense à la fin de chaque épisode, n'est plus là.
Il reste toutefois un excellent polar très typé, dans lequel le graphisme de Tardi fait merveille. Mais qui aurait pu en douter à part ceux qui ne connaîtraient pas son adaptation de Nestor Burma ? On y retrouve donc ce style inimitable qui met un Paris plus vrai que nature en valeur, celui des arrondissements moins touristiques, avec un Noir et Blanc chaleureux et un trait épais qui n’a pas son pareil pour croquer une « gueule », comme dans les films d'époque avec lesquels cet album partage un certain esprit.
Tardi est coutumier des associations fructueuses avec un écrivain. Que ce soit en signant lui-même l'adaptation (Céline, Léo Malet) ou en collaborant directement avec l'auteur (Vautrin, Pennac...), c'est même devenu la part la plus significative de son oeuvre. Avec la guerre, le polar est sans aucun doute le domaine dans lequel il est le plus à l'aise. Ici, comme parfois dans Nestor Burma, il apporte ce petit supplément qui permet au lecteur de s'attarder sur le dessin quand l'intrigue fait un peu relâche. Après un départ tonitruant en effet, l'histoire souffre quelques longueurs le temps que le dénouement se mette en place. C'est le lot il est vrai de ces romans policiers dans lesquels tout repose sur la révélation finale.
Siniac en joue lui-même dans son roman (Monsieur Cauchemar) en proposant d'ailleurs plusieurs fins. La BD est un support idéal pour ce genre d'idée et Tardi s'en est donc emparé, poussant le vice jusqu'à en ajouter d'autres, certaines dans des pages soudées que le lecteur devra découper pour les découvrir ! Au-delà de cette initiative diversement appréciée, force est de constater que ce n'est qu'une manoeuvre de plus pour faire durer encore le suspense. Le dénouement plutôt réussi ne mérite pas forcément ce traitement un peu burlesque qui en atténue la portée, mais c'est en accord avec le style de l'ensemble.
Au final, le Secret de l'Etrangleur trouvera sa place dans les bibliothèques des fans de Tardi comme de polar en général.
Un bon polar, mais pour le moins surprenant. Entre les différentes fins alternatives que le scénario propose, la truculence des dialogues et des personnages, la personnalité singulière du tueur ou les explications sur les mystères des meurtres qui sont sacrément tordues et tirées par les cheveux, il y a de quoi faire ... Heureusement, l'aspect nébuleux du scénario n'entache pas le plaisir de lecture, notamment grâce au dessin de Tardi qui est parfaitement adapté pour retranscrire l'ambiance de la fin des années 50 dans ces quartiers populaires de la capitale.
L'un des polars les plus originaux qu'il m'ait été donné de lire. J'ai bien aimé !
Cet album est déconcertant ! On se laisse emmener dans les rues de Paris des années 50, en pleine nuit et dans le brouillard en compagnie d'un tueur qui profite de la grève des policiers afin de commettre d'etranges meurtres.
Dans ce polar, le lecteur ne sait pas toujours où il va et que chercher mais il se laisse emporter grâce au scénario de Siniac et aux dessins de Tardi. C'est fin, original et sombre tout en étant simple, efficace et parfois drôle. Bref, c'est excellent !
Ça débute un peu gentillet, on se demande si ce n'est du déjà vu et puis, au fil, ça s'embrouille
Tardi et ses visages si intrinsèques. On cherche à comprendre et puis ça s'embrouille encore. Pourquoi Esbirol raconte tout le matos à Alphonse, à un enfant? Quel est le truc? Y a-t-il un truc? Mais qu'est-ce qui se passe vraiment la nuit dans le brouillard? La seule constatation est que le lecteur demeure "vraiment" dans le brouillard jusqu'aux dernières pages,qui simulent plusieurs fins alternatives.
Le polar est souvent insipide; ici, il prend tout son sens. J'ai envie de ne lire que du polar tout l'après-midi maintenant. Surtout, qu'il y a un semblannt de brouillard à l'extérieur, un dimanche gris...