L
ou ne rayonne plus. Son entourage s’étoffe, on lui parle mais on ne l’écoute pas. Sa mère, rendue euphorique par son amourette et la publication de son premier roman, semble avoir oublié son existence. Les moments de solitude d’habitude chéris se sont transformés en isolement. C’est grave, docteur ? Non ça devrait passer, c’est une petite crise d’adolescence.
Lou ! c’est un véritable piège doublé d’un vrai bonheur. Le plus rétif à la BD estampillée jeunesse pourra se laisser séduire par ces petits moments tout simples de la vie d’une jeune fille. Le plus inconditionnel du dessin et des teintes dits « de caractère » pourra succomber sans réticences au style acidulé de Julien Neel. C’est comme ça, ce serait stupide de dissimuler son plaisir.
L’ensemble est baigné dans la douceur, avec ces tons de guimauve, ce trait si personnel et identifiable (ah ce merveilleux chat !). La tendresse et la poésie, osons le grand mot, sont partout présentes sans exclure l'amusement et un sens de la réflexion juste, jamais pédant ni pontifiant. La galerie de portraits joue de la caricature mais sans excès : la mère de Lou a oublié de grandir se trouve bien embarrassée lorsque sa fille change et devient une ado, les copines sont plutôt, euphémisme, « typées ». Seule la mère de Marie-Emilie est réellement too much et concède à la facilité. L’ensemble passe d’autant mieux que les transitions entre les scènes sont beaucoup plus fluides que dans les albums précédents (la série fait l’objet d’une pré-publication magazine qui impose un morcellement). Le découpage se fait joueur en jonglant avec l’alternance de pleines pages et de gaufriers parfois très serrés, lesquels sont alors difficiles à apprécier tant les cases sont nombreuses et chargées. Enfin, les pages de garde sont également remarquablement soignées et prolonge les plaisirs de la lecture avec leur dimension synoptique, se posant en condensé des épisodes précédents puis passerelle vers le prochain volume.
Avec Mamette, Lou ! est un cas à part dans la bande à Tchô !, tant du point de vue graphique que du ton. Le rire n’est pas ici pièce d’artillerie mais traduction d’une émotion comme une autre. Et de ce point de vue la palette de ce Cimetière des autobus est riche et variée.
>> Chronique de Lou ! t1 Journal intime
>> Chronique de Lou ! t2 Mortebouse
Lou approche de l'adolescence, et le monde devient gris, gris, et les pastels enchanteurs de Julien Neel se teintent de violets et de marrons, et le monde enchanté de l'enfance a été remplacé par une amas de carcasses qui rouillent sous la pluie : l'amour ne semble jamais pouvoir advenir, l'amitié paraît un leurre, les parents les plus compréhensifs deviennent aussi révoltants que les autres. Banalités ? Evidences ? Certes, mais dans une série pour petites filles de 10-12 ans, pas anodin du tout ! Le troisième tome de la vie compliquée de Lou est le plus beau à date, qui semble complètement délaisser l'humour pour un spleen persistant, sans pour autant rien perdre de sa légèreté. Et si Julien Neel, en toute discrétion, était en train de construire l'une de ces BDs parfaitement en phase de son époque, en tout cas l'une de celles qui aident à comprendre le monde, à se comprendre et à grandir ? Dommage que je n'ai plus l'âge...
La série se renouvelle avec une petite crise d'adolescence, et de nouveaux personnages très typés.
Le troisième tome est-il moins bon ou meilleur que les deux premiers ? Les avis divergent là aussi.
Bref plus on est proche de l'âge de l'héroïne, plus on aime.