Body Bags 1. Bonne fête, Papa !

M ack, alias Clownface, est un « emballeur » (chasseur de prime) plutôt débordé en ce moment : un rival a liquidé la femme de son partenaire, et grièvement blessé celui-ci. Il doit donc se venger, avec une violence exemplaire si possible, mais aussi trouver un contrat juteux pour pouvoir faire opérer son ami. C’est le moment que choisit sa fille Panda pour débarquer dans sa vie, adolescente aussi menue qu’explosive, bien décidée à marcher dans les traces de son papa qu’elle n’a pas vu depuis 10 ans.

Il y en a qui prennent leur temps pour montrer de quoi ils sont capables, que ce soit à la plume ou au crayon. Jason Pearson n’est pas de ceux-là. Pour sa première BD, dès les premières planches, on découvre son héros au physique extraordinaire – il ferait passer David Douillet pour un bureaucrate chétif – en train de planter un couteau de boucher dans le ventre d’une femme enceinte pour faire parler un rival (le père) peu coopératif. L’image est choquante, c’est volontaire : ce n’est pas le demi-argument justificatif (« le bébe était déjà mort avec toute la poudre qu’elle a sniffé ») qui va rattraper les lecteurs qui avaient déjà refermé définitivement le brulôt en poussant des cris d’orfraie, mais ceux qui restent (ébranlés quand même) sont un peu rassénérés et pourront supporter le reste sans problème.

Provocation, trait nerveux et jouissif, humour noir, rythme échevelé : en quelques pages, le nouveau venu impose son style. Sur fond de rivalité entre gangs, il s’agit surtout de mettre en scène des duos mal assortis : le supermusclé « bourrin » avec son pote intello, ou encore avec sa fille qui lui rend 1 m et 100 Kg. Celle-ci est l’autre personnage phare, avec cette fois un caractère de feu en opposition à son physique de poupée. Les situations comiques jouant sur leur personnalité explosive se multiplient, portées par des dialogues particulièrement réussis.

De fait, même si on tourne frénétiquement les pages à la recherche d’une nouvelle bagarre hilarante, c’est peut-être les scènes d’affrontement verbal entre père et fille qui sont les plus drôles, ponctuées de grossièretés, de mensonges éhontés et même de coups non retenus. Bien sûr, il y a une histoire qui sert de fil conducteur, peu importante mais suffisamment bien menée pour qu’on ne s’ennuie pas une seconde.

Le graphisme joue également son rôle : excessif voire caricatural pour les personnages, Pearson est particulièrement doué pour le mouvement qu’il utilise pour doper le potentiel comique de l’ensemble. Les couleurs sont à l’image des personnages : primaires, éclatantes et fortement contrastées. Il n’y a pas de place pour la nuance dans cette BD !

Ce premier album inventif et jubilatoire est paru il y 10 ans aux USA. Il a recontré un succès immédiat, qui a déstabilisé Pearson : il est seulement en train de terminer la suite, après quelques travaux secondaires (dont The Ride, notamment). On pardonne donc Delcourt d’avoir tant tardé à le publier en album, après que Semic l'ait fait en périodique il y a quelques années : l’attente sera moins longue pour le second tome ! (prévu en 2007)