17 janvier 2003, le Conseil d’administration de Metaleurop SA annonce son désengagement dans sa filiale du Pas-de-Calais, située à Noyelles-Godault . Une dizaine de jours plus tard, la société Metaleurop Nord est placée en redressement judiciaire, la liquidation suivra quelques semaines plus tard. Les 830 employés de l’usine recevront alors leur lettre de licenciement.
Noir Métal est la chronique d’une mort annoncée, l’histoire tristement banale d’un grand groupe financier qui, sous la pression de ses actionnaires, ferme une de ses filiales sans autres raisons qu’une baisse des dividendes. Rien de bien nouveau dans un monde où les délocalisations sont une pratique courante pour des motifs plus ou moins contestables.
Xavier Bétaucourt (journaliste) et Jean-luc Loyer (scénariste, dessinateur) se sont attachés à narrer les évènements qui ont suivi ce fameux vendredi où un fax porteur de la nouvelle de la fermeture était envoyé, un peu à la sauvette, en fin d’après-midi. Leur travail d’investigation est remarquable, ils ont su tirer parti des nombreux entretiens qu’ils ont eus avec leurs interlocuteurs, du maire au responsable syndical en passant par de nombreux ouvriers. Le propos est clairement orienté, car les auteurs dénoncent non seulement la méthode de fermeture de cette entreprise mais également les problèmes de pollution, connus depuis fort longtemps, qui existaient et subsistent encore sur le site.
L'attachante naïveté du dessin de Jean-Luc Loyer, habitué des bandes dessinées pour enfants, surprend par sa simplicité et ses quelques maladresses. Que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est en rien un handicap pour illustrer une telle histoire. Les couleurs vives n’atténueront certainement pas cette impression, mais cet ensemble permet bien au contraire de dédramatiser une histoire qui n’est pas des plus joyeuses.
Noir Métal est un récit profondément humain, à la subjectivité totalement assumée qui propose une tranche d’histoire pour éviter que de tels drames ne tombent dans l’oubli. La collection Mirages des éditions Delcourt compte des albums de valeur et celui-ci ne dépareillera pas l'ensemble.
Noir métal, c'est l'histoire sous forme d'un documentaire social de la fermeture sauvage de l'usine Métaleurop en 2003 qui fut l'objet d'une forte médiatisation. C'est près de 830 salariés qui ont été licenciés sans ménagement du jour au lendemain pour satisfaire un groupe d'actionnaires suisses composé de riches retraités pratiquant le golf. Glencore a en effet son siège en pays helvétique ce qui est fort pratique pour assurer le secret bancaire et abriter ainsi de mystérieuses compagnies avec des oligarques russes qui ne font pas dans la dentelle.
Il n'y a pas eu de continuation de l'activité ni de reprise par une société tiers. Il faut dire que depuis les années 80, la sidérurgie était en crise dans toute l'Europe. Et si on ajoute le problème de pollution et les nombreux cas de saturnisme autour de l'usine, c'était quasiment inévitable.
Nous avons certes le point de vue des ouvriers qui ont sacrifié leur vie et celui des syndicalistes qui les défendent. C'est un parti pris par les deux auteurs qui y mettent toute leur bonne volonté. En face, ils ont déjà tous les pouvoirs : l'argent, le contrôle des médias et des officines chargées de contrôler la pollution et la santé. Leur accorder la parole ne ferait que grossir le lot de leurs mensonges éhontés. Pour l'argent, certains sont manifestement prêts à tout.
Je suis particulièrement satisfait de voir qu'il y a une espèce de solidarité pour ne pas les oublier car la plupart galèrent encore à trouver un emploi, en tout cas pour ceux qui ne se sont pas suicidés. Les politiques n'ont absolument rien fait. Cela me fait penser à cette scène dans ce film récent où un candidat à une élection d'importance nationale va dans une usine pour soi-disant soutenir les ouvriers. Ce n'est que pour son image. Il est évident qu'il ne changera jamais sa situation contre la leur ! N'oublions pas que nous sommes dans un pays où l'égalité est une valeur fondamentale de la République.
Ce qui me désole, c'est qu'il y en a encore qui soutiennent les forts et les puissants alors qu'eux-mêmes ne sont pas au même niveau (ou peut-être qu'ils n'ont jamais eux-mêmes connu la misère). Qu'espèrent-ils sous cette apparence d'ouverture à un soi disant dialogue contradictoire ? Avoir peut-être un bout de pouvoir ? C'est pathétique !
Métal noir, c'est une véritable tragédie en plomb majeur. C'est le symbole d'un capitalisme sauvage et implacable qui s'attaque à l'humain en réduisant une région à néant. C'est clair que pour certains, il vaut mieux être du côté du plus fort. Il y a, à mon sens, un devoir de mémoire pour comprendre la mort, la rage et la révolte de cette communauté victime. Après cela, il faut penser à la reconversion du site et à l'avenir. Or, les auteurs n'évoquent que le passé douloureux comme s'il n'y avait plus aucun espoir. Cela reste une belle bd qui apporte des témoignages bouleversants avec un petit côté Germinal. Une bd que je recommande chaudement pour essayer de comprendre...
j'ai mis "5/10 : Pas mal" car je pense qu'il faut habiter la région, comme moi, pour apprécier cette BD. Bien entendu, on peut tous s'émouvoir devant tant d'injustice mais les références permanentes à la région (les lieux, le RC Lens et ses anciennes gloires, ...) fait que l'on ne pourra pas autant accrocher à mon sens si on n'est pas d'ici...
Le dessin est agréable, le scénario catastrophique bien sûr... Je plaisante... ;) C'est bien écrit, clair, ...
Alors, pas de méprise : je trouve la BD très intéressante mais probablement pas très "plaisante" pour les non Chti. En tant que Chti : 10/10 !