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n plein première guerre mondiale, le lieutenant Sauveur, porteur d'un message pour l'État-major, est contraint de se réfugier dans un abri de fortune. Le spectacle qui l'attend est surprenant. Un groupe de poilus s'est massé autour d'un cadavre. Un camarade gît dans la boue, un poignard français planté dans le dos.
Ancien policier, Sauveur prend le commandement afin de découvrir l’assassin. Mais en plein carnage généralisé, qui se soucie d’une mort de plus ?
Après les magistrales mises en scène de Tardi ou de Pratt, il devient difficile de faire une bande dessinée sur la Grande Guerre sans subir la comparaison avec ces deux grands maîtres. Il faut l’avouer, l’histoire de Cady, d’Adam et de Marchetti soutient la comparaison. Décrivant avec réalisme les sentiments des combattants, les scénaristes misent avant tout sur une ambiance de huis-clos et privilégient par-là les longs silences et les non-dits afin de nous faire entrer dans ces âmes brisées. Ainsi, comment ne pas prendre en pitié le héros qui tente par tous les moyens de découvrir l’assassin, non par un sens inné de la justice mais bien pour se rappeler sa vie « d’avant » ? Comment, également, ne pas comprendre ces soldats pour qui la vie de la victime, une vraie crapule par ailleurs, n’a pas plus d’importance que celle de leurs ennemis ?
Ce huis-clos, durant lequel les protagonistes, tout comme les lecteurs, ont le temps de faire un arrêt sur image sur la vie des tranchées, est d’autant plus poignant que les ennemis ne sont pas loin et que la guerre peut à tout moment arrêter ce moment de répit
Nouveau dans le monde du 9è art, le dessinateur Marchetti réussit une belle entrée en matière. Il réussit admirablement à faire passer les affres de la guerre sur les visages et les mouvements des poilus. Les scènes de combat sont impressionnantes, le dessin ne faisant plus une distinction nette entre les combattants et le décor : il devient alors difficile de distinguer clairement qui est qui et ce qui se passe, augmentant ainsi le sentiment d’angoisse que les auteurs essaient de faire passer.
La Tranchée est donc un album admirable, recréant avec compassion et justesse l’ambiance des tranchées. Interpellé par une fin dramatique, on ne peut attendre qu’avec impatience le deuxième et dernier volet de cette tragique histoire.
Par Asceltis
Durant la 1ère Guerre Mondiale, la lutte est à la fois physique et psychologique. La vie dans les tranchées et l’attente interminable, la peur au ventre, est le lot quotidien des soldats français et allemands. Les instincts primaires de l’homme sont alors exacerbés, la folie prend le pas sur la raison, une démence grandissante et étouffante dans ce huis clos rythmé par les détonations de bombes. Les deux tiers de l’album se déroulent entre quatre murs, dans une tension palpable. Sauveur est confronté à la solidarité et à la lâcheté des soldats, les silences pesants suivent les accusations, enfin, les reproches fusent vis-à-vis des planqués et des généraux. Les regards sont aussi durs que les paroles, l’humanité a laissé place à l’animalité et à la violence. La dernière partie de ce premier tome voit le rythme s’accélérer considérablement, le lecteur finit à bout de souffle et aussi perturbé que le personnage principal. La fin, pleine d’émotions et de remises en question, clôt dans le calme cette première partie. Au final, même si la vraisemblance n’est pas toujours de mise, les auteurs captent l’attention et ne la libèrent qu’à la toute dernière planche.
Paradoxalement, alors que l’histoire se déroule dans un environnement sale et cruel, le trait incisif et dynamique de Marchetti est particulièrement élégant. Associé à une mise en couleur sans fioritures, il instaure une ambiance oppressante particulièrement convaincante. Enfin, lorsque la violence et la folie des hommes atteignent leur paroxysme, les teintes bleutées virent au rouge et installent un certain malaise. Les auteurs ne sombrent pas dans la surenchère inutile ni le larmoyant pour conclure ce tome. Le dessin, des couleurs plus claires et la neige qui tombe suffisent à rendre cette ultime scène poétique.
La collection Equinoxe n’en finit pas de nous offrir des séries de qualité. Avec La Tranchée, prévue en 2 tomes, la surprise est aussi grande que le plaisir de lecture
La mention « 08/10 à lire absolument » me paraît tout a fait justifiée. Cette BD ne disposait pas d’avis et je tenais à la défendre car je lui trouve de nombreuses qualités. Je vais donc essayer de vous inciter à y jeter un œil.
Je vais commencer par le coté graphique. Je me suis d’abord détourné de cette BD à cause du graphisme, non pas qu’il soit hideux ou bâclé mais simplement par gout pour un graphisme plus « travaillé ». Finalement je me suis laissé tenter par le thème en me disant que je ne devait pas me priver d’un bon scénario à cause des mes gouts en graphismes. Du coup, non seulement je me suis réconcilié avec les dessins plus « expressifs » mais j’ai également apprécié ce rendu qui rajoute un net plus à l’atmosphère.
Et c’est justement l’atmosphère qui est la réussite de cette BD.
L’histoire reprend les nombreuses péripéties qui ont pu rythmé la guerre de tranchée. La tension y est remarquablement restituée. Marmitages, excès de violence, remise en cause de tout les codes moraux et sociaux, on suit un groupe de soldat, issu de toutes conditions, uni dans une solidarité impérative face à l’enfer de la guerre. Les tensions internes sont omniprésentes, l’absurdité de la guerre fait voler en éclat tous les repères, livrant les personnages à leur libre arbitre.
Un seul tome pour l’instant, l’atmosphère est là, l’histoire est lancée mais le second tome tarde à venir …