V
oici le troisième Carnet publié par Joann Sfar en seulement neuf mois. A l’Association, c’est son ami Lewis Trondheim qui avait ouvert la voie en réalisant trois carnets présentant des pages réalisées principalement à l’occasion de voyages, de festivals ou de vacances. L’idée de base est de présenter une somme de réflexions et d’observations "sans crayonnés, sans tippex, ni retouches orthographiques".
Trondheim nous avait offert trois recueils de 50-60 pages organisées autour de thèmes définis et d’évènements particuliers. Sfar, qui de son propre aveu ne peut pas se passer de dessiner, a déjà livré 770 pages qui abordent pêle-mêle tous les sujets qui lui sont chers.
S’agit-il pour autant d’une tentative autobiographique ? Pas vraiment, même si on met nécessairement beaucoup de soi lorsque l’on expose ses joies, ses doutes, ses convictions et que l’on parle de ceux qu’on aime. Ces carnets sont simplement truffés d’anecdotes et de souvenirs qui coulent au fil des pages et du temps qui passe.
Les thèmes abordés ? L’apprentissage de la musique sert de prétexte au départ (vous en apprendrez probablement plus que vous n’osiez jamais l’espérer sur l’Harmonica et le Ukulele). L’amitié, ce qui vaut au lecteur de « croiser » nombre d’auteurs dont bien sûr ceux appartenant à l’Association. La boulimie et les affres de la création qui souvent co-existent. Les joies et les (douces) angoisses de la paternité. La religion (thème souvent abordé dans d’autres albums de Sfar). Des techniques et des leçons de dessin. Des hommages. L’absence de la mère, le rôle du grand père et de la famille en général. Mais aussi : les estivants de la côte d’Azur, les juifs originaires d’Afrique du Nord, les singes Alpha et Beta, le pays niçois, les chiens, les chats, la critique, des tablatures, des croquis a gogo et bien d’autres choses encore.
Est-ce ou non de la BD ? Peu importe en fait car le plaisir est là. Le lecteur-confident, gourmet et gourmand à la fois, se régalera toujours de ce genre de livre que l’on aime lire à petites gorgées. Ceux que l’on repose de temps à autres pour en garder un passage en bouche / en tête. Ceux que l’on se dépêche de reprendre dès que l’occasion se présente, les yeux brillants et le sourire aux lèvres. Ceux d'où les saveurs et les parfums s'échappent et se mélangent. Ainsi, on sursaute (enfin, c’est mon cas) lorsqu’en de rares occasions le langage devient très cru et que certains thèmes sont abordés. Mais dès la page suivante, on est ému par une de ces confidences, nombreuses, qui sont autant de pépites pudiquement noyées au milieu d’anecdotes anodines ou drôles. Vous savez une de ces confidences réprimées dont on pensait qu'elle n'appartenait qu'à nous et qu'on est surpris de voir révélée par la plume d'un autre.
Un pur bonheur de poésie, de pudeur, d’intelligence, de tendresse même s’il n’oublie pas de donner quelques coups de griffes ici et là. Bref, un livre vivant.
Note : Parapluie est le dernier sorti et donc celui qui colle à l'actualité mais cette chronique parle nécessairement des deux autres tomes parus. Impossible de les dissocier. Et Piano, le 4ème carnet, est déjà annoncé pour les prochaines semaines : http://www.pastis.org/joann/
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