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ister Plumb n'est pas un lapin. Malgré ses grandes oreilles, son mignon museau et son doux pelage blanc, ce n'est pas un lapin. C'est un plombier. Mais, pendant la prohibition, il lui suffit de demander un jus de carottes "cuvée spéciale" pour avoir un whisky bien faisandé. Et lorsque la Mafia et la police jouent au chat et à la souris autour de l'alcool, qu'une jolie fille très féline entre en scène et que son copain Doug se fait enlever par des hommes de main qui veulent le faire parler, ça ne va plus du tout. Un lapin énervé, c'est méchant, même quand ce n'est pas un lapin.
Mister Plumb est placé bien au chaud dans une période donnée : la Prohibition. Il en reprend tous les clichés, toutes les grandes images pour faire un récit noir relativement classique : le bon héros qui ne comprend rien à ce qui se passe mais qui déjoue les plans d'une mafia qui a gangréné jusqu'aux politiques, la jolie prostituée qui essaye de l'aider, la bande d'amis qui le soutient, les seconds couteaux qui sont grands bêtes et méchants. S'il n'était cette histoire de plombier métamorphosé, on en ressortirait comme d'un film des années 60, sans réelle émotion : un bon divertissement avec des coups de feu et des chapeaux mous. Rien d'extraordinaire donc, à part ce lapin qui n'en est pas un : La Métamorphose est passée par là, le scénariste appuie d'ailleurs bien sur la référence, histoire que personne ne la rate. Pourtant, ces dernières années, elle a été au centre de toutes les attentions.
On comprend d'autant moins bien l'utilisation d'animaux, dans un récit qui ne prend absolument pas en compte ce zoomorphisme. A part quelques plaisanteries sur le fait que mister Plumb n'est pas un lapin, ou que les policiers ne sont pas des poulets, Régis Hautière n'utilise à aucun moment cette particularité de ses personnages. Quant à Renaud Dilliès, son trait sympathique fonctionne très bien, même s'il reste totalement représentatif, et ne cherche absolument pas à aller plus loin que son scénario. Les personnages croqués sont amusants, les couleurs surprenantes mais parfaitement en accord avec l'univers de l'album.
Mister Plumb est un album sympathique, même s'il ne reste pas forcément dans les mémoires. Il est à espérer que les personnages seront plus développés dans les tomes qui suivront, ensemble de one-shots dans la même série. Car la suite nous réserve probablement des surprises. Que va t'il bien pouvoir arriver à notre héros poilu ? Gagnera-t'il un jour la main de la jolie Baby Line ?
Par Jim
En trois pages, le ton est donné : une BD animalière loufoque, décalée, et surtout très drôle. Placez-la alors en 1930 en pleine prohibition avec Pat Carbonne, Eliot Lomond et ses intouchables, et vous obtenez une nouvelle série particulièrement originale qui démarre sur les chapeaux de roues. Humour et jeux de mots tournant essentiellement autour de notre cher lapin sont omniprésents sur une trame classique qui réserve tout de même son lot de surprises. Les références sont nombreuses, à commencer par Kafka et sa Métamorphose, Audiard et ses Tontons flingueurs ou encore Tex Avery, et dans un autre registre certains côtés extravagants propres aux manga avec ce John John qui ne cesse de donner des coups de massues (au point de finir d'ailleurs par lasser quelque peu). On appréciera aussi la maîtrise dans la narration et le découpage du récit puisque Régis Hautière réussit parfaitement sur 46 planches à présenter le contexte avec ses nombreux protagonistes tout en construisant une intrigue aboutie.
Aux dessins, Renaud Dillies opère dans un nouveau registre. Après deux albums en solo mélancoliques, Betty Blues et Sumato, il réussit à la perfection son passage à un registre humoristique. Sa galerie de personnages animaliers est une nouvelle fois un régal tant il sait jouer sur leur expressivité et rares sont les auteurs qui montrent une telle aisance quelle que soit la scène réalisée, tout en multipliant les changements de cadrages ou d'angles de vue. On appréciera en particulier sa méthode utilisée pour capter le regard du lecteur en utilisant des cases aux forment originales, souvent encadrées pas des frises. Enfin, un grand bravo aussi à Denis Bernatets pour ses couleurs en totale adéquation avec les dessins.
Mister Plumb est une nouvelle série très rafraîchissante et éminemment prometteuse. À l'image de Lincoln, tout en se plaçant sur un registre plus décalé, elle devrait séduire le public grâce à son humour efficace et son principe d'histoire complète à chaque tome.
>> Autres chroniques d'albums de Renaud Dillies : Betty Blues, Sumato.
>> Autres chroniques d'albums de Régis Hautière :Kaliclès, Le dernier envol , Dog fights .
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