B
ien avant l'icône Arthur Ashe et des décennies avant les sœurs Williams, qui viennent immédiatement à l'esprit au moment d'évoquer les joueuses et joueurs de tennis de couleur outre-Atlantique, une jeune femme originaire de Harlem a remporté une douzaine de titres du Grand Chelem, dont cinq en simple. Cette athlète, c'est Althea Gibson. Avec White Only, Julien Frey et Sylvain Dorange lui rendent un hommage plus que mérité.
Après les Harkis avec Lisa et Mohamed, les épouses de guerre avec Michigan, sur la route d'une War bride ou encore Roscoe Arbuckle avec Fatty, le premier roi d'Hollywood, difficile de nier que Julien Frey aime attirer la lumière sur des personnes oubliées de l'Histoire. Le scénariste a une nouvelle fois eu le nez creux avec la joueuse afro-américaine. Un destin hors-norme et une carrière sportive éclatante, dans une Amérique où la ségrégation est omniprésente. Il brosse ici le portrait d'une jeune fille qui refuse de se voir reléguée au rôle de porte-étendard de la lutte pour les droits de sa communauté. Althéa veut être une joueuse de tennis avant tout, sans se soucier de sa couleur de peau. Une volonté farouche d'exercer ses dons dans le sport qu'elle a choisi, quels que soient les obstacles qui se dressent devant elle. Une femme au caractère bien trempé, parfois même antipathique, dont les nombreuses émotions passent d'autant plus facilement que le dessin de Sylvain Dorange s'avère efficace, à l'image de ce qu'il proposait avec Gisèle Halimi, une jeunesse tunisienne. Un trait simple, sans fioriture qui permet de distinguer au premier coup d’œil les protagonistes et leurs sentiments.
En s'arrêtant sur quelques moments clés de sa vie, les auteurs offrent l'occasion de percevoir des aspects méconnus de cette période. Il découvre les balbutiements d'un sport pas encore professionnel - aux enjeux financiers minimes, pour ne pas dire anecdotiques. Le duo d'artistes souligne surtout la persévérance dont l'héroïne, et ses mécènes avec elle, ont dû faire preuve. Les rencontres essentielles qui essaimeront sa vie sont mises en images : Buddy Walker, le premier à avoir cru en elle, Fred Johnson, son premier entraineur, les docteurs Eaton et Johnson qui l'ont financée et soutenue sans oublier les joueuses, adversaires comme partenaires, et notamment l'Anglaise Angela Buxton qui deviendra son amie. Cette biographie sélective montre l'importance d'une pionnière de son sport dans un contexte difficile judicieusement mis en relief par les teintes orangées et rappelle par moments la vie de Claudette Colvin une autre héroïne malgré elle oubliée des livres d'histoire.
Fluide, surprenant et passionnant, White Only est de ces BD qui apportent autant qu'elles divertissent. Une lecture qui plaira aux amatrices et amateurs de légendes du sport mais aussi aux autres.
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