À 99 ans, Mylaine livre au microphone de sa petite-nièce les souvenirs de son « petit tour d’Europe », comme elle l’appelle. Née en Lorraine dans une famille juive, engagée dans le scoutisme, elle a dix-sept ans quand le conflit éclate en 1939. D’abord installés à Grenoble, en Zone libre, les Veil en sont chassés quatre années plus tard. Tandis que les aînés, Janine et Tony rallient la Suisse, les autres trouvent refuge dans la montagne, à Sarcenas. L’hiver s’installe. En février 1944, une visite inquiétante survient. Des Nazis cherchent le père de Mylaine, absent. La jeune fille gagne du temps en leur indiquant une fausse piste. Elle en profite pour envoyer sa sœur cadette à la rencontre de leurs parents et cacher les preuves de leur identité. Puis, elle attend. Alors, les Allemands l’embarquent pour l’interroger. Ce n’est que le début d’un parcours qui la conduira à Drancy, Auschwitz-Birkenau, Bergen-Belsen.
Lisou ouvrait le diptyque Quand la nuit tombe avec l’évocation par la plus jeune de la fratrie Veil de la manière dont, enfant, elle avait échappé aux rafles en France durant la Deuxième Guerre mondiale. Pouvant se lire indépendamment, ce deuxième album revient sur l’existence de Marie-Hélène, alias Mylaine, celle qui a connu l’horreur de la déportation.
Comme précédemment, le récit s’ouvre par un tête-à-tête, celui entre Marion Achard et sa grand-tante, point de départ du témoignage. Celui-ci se déroule ensuite, chronologiquement. Il offre d’abord un autre point de vue sur les prémices qui ont conduit à l’arrestation du personnage principal et complète les dires de la petite sœur. Au quart de l’album, c’est la descente aux enfers : interrogatoires et sévices, déplacement vers Drancy, premier train vers l’Est, précipitation dans l’univers concentrationnaire, travaux harassants, maladies, mort omniprésente... Dans ce microcosme mortifère, la protagoniste rencontre d’autres condamnées, noue quelques amitiés, voit plusieurs centaines de détenues disparaître à l’ombre des cheminées. S’accrochant au moindre espoir pour survivre, elle connaît la libération et le retour, mais elle éprouve aussi, devant les siens, cette difficulté à laisser jaillir la parole sur les épreuves traversées, à confier l’indicible.
Se mariant harmonieusement avec un trait délicat et expressif, les couleurs douces de Toni Galmès semblent contraster avec la teneur du propos. Cependant, l’artiste parvient à montrer en quelques scènes l’immensité des camps de concentration, leur fonctionnement et leur violence mortifère, sans jamais verser dans la surenchère ni le pathos. Ainsi, le décharnement progressif de l’héroïne et de ses compagnes d’infortune fait écho à leur dénuement total, tandis que des montagnes de valises, de vêtements et de chaussures à côté de cheminées fumantes révèlent l’antichambre de l’extermination systématique.
Au devoir de mémoire, Mylaine Veil, rescapée de la Shoah, a répondu présente. Sa parole et son témoignage sont portés avec justesse dans cette bande dessinée émouvante retraçant son destin. Un album tout public à découvrir... et pour se souvenir, à l'heure de commémorer la libération d'Auschwitz.
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