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ne cote de popularité qui ne cesse de s'écrouler, un ministre de l’intérieur ambitieux manigançant pour le faire trébucher et une ex-femme sur le point de tout déballer dans un livre-choc, le quotidien de Thierry Langlois, le président de la République, n’est pas de tout repos (en plus, il y a une Nation à diriger). Sans compter ses gaffes régulières, comme la dernière où les caméras l’ont surpris à gifler un gamin qui l’avait injurié. Bref, son équipe rapprochée a du boulot sur la planche pour le rendre acceptable en prévision d'un autre terme. Un changement d’image est nécessaire, une nouvelle idylle, peut-être ? Ça tombe bien, ils ont la candidate parfaite sous la main, une ancienne Miss France qui s’est reconvertie dans la philanthropie. Aussitôt dit, aussitôt fait. Une rencontre impromptue est organisée lors d’un gala de bienfaisance. C’est une affaire qui roule. Par contre, ces géniaux stratèges avaient écarté trop rapidement une variable importante : Cupidon. En effet, la présence à cet évènement de Victoria Coraly, une actrice militante bien décidée de faire passer de vive voix ses revendications au PR, va venir gripper ce si joli plan com’…
Didier Tronchet change de registre et s’essaye à la comédie romantique et à la satire politique. Auparavant, ces deux genres avaient déjà affleuré dans certaines de ses œuvres passées, mais elles ne s’étaient jamais retrouvées autant au centre d’un de ses scénarios. Cependant, si la narration est nourrie des nombreuses préoccupations d’aujourd’hui (les migrants, la crise du logement, l'environnement, etc.), c’est plus la manière et la mécanique dramatique qui se révèlent particulièrement percutantes dans cet album sautillant et bourré d’énergie. Mix entre un film américain des années 50 et un cartoon de cette même époque, Première Dame met en scène une brochette de personnages hauts en couleurs dotés de personnalités explosives. Ça «clashe» sans arrêt, les réparties sont cinglantes et les situations s’enchaînent non-stop sur plus de deux cents pages bien remplies.
Thierry (un ancien rugbyman volcanique) et Victoria (une mère divorcée en bisbille avec la société) s’affrontent, se courent après et, parfois, s’accordent, pendant, qu’à l’arrière-plan, tout l’appareil étatique tente de sauver les apparences et réparent les pots (les assiettes, les vases, les téléphones, etc.) cassés. Comme il faut bien un méchant, le locataire de la place Beauvau sert de prétexte et ourdit des complots compliqués dans le but de devenir calife à la place du calife. Ouf, n’en jetez plus ! Plus sérieusement, ce récit échevelé et hautement sympathique s’avère être une respiration bienvenue à propos d’un sujet faisant rarement rigoler habituellement. Bravo à Tronchet, le créateur de l’immortel Raymond Calbuth a su trouver les bons mots et le bon équilibre pour composer un scénario intelligent à la tonalité pétillante.
Le style légèrement vintage et aérien de Jean-Philippe Peyraud se montre totalement adapté pour dépeindre ces cavalcades continuelles. Le trait semi-réaliste et juste suffisamment caricatural permet au dessinateur de faire passer les émotions et les doutes directement, sans filtre presque. Il en ressort un ressenti immédiat et une connivence de tous les instants. Guignol et Gnafron ne sont pas trop loin. Simplement, ils présentent bien et portent des habits chics tout au long de cette farce contemporaine remplie de bons sentiments.
Une galerie de protagonistes extraordinaires jusqu’au dernier rang des troisièmes rôles, des rebondissements permanents, des running gags à gogo, un fond idéologique un peu naïf rempli d’humanité et un humour omniprésent font de Première Dame une lecture feel good de premier ordre. Une excellence surprise pour débuter l’année !
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