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aris, 1961. Nicole doit se présenter à un entretien d'embauche. L'emploi consiste à faire le ménage chez une femme âgée. L'appartement regoarge de tellement de rangées de livres que la postulante pense être chez une ancienne enseignante ou une écrivaine. Elle y était presque... Elle vient d'entrer chez une libraire et pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit de Sylvia Beach, l'Américaine qui ouvrit, dans le Paris des années 1920, une librairie dédiée à la littérature anglo-saxonne. Bien plus qu'une boutique, le Shakespeare & Co devient vite le repaire de intelligentsia parisienne, où l'avant-garde est reine.
Bien connues des passionnés d'Histoire, les éditions Vuibert se lancent dans le neuvième Art avec leur collection Vuibert Graphic. Cette entrée en matière méritait un titre fort et passionnant. Le pari est réussi haut la main avec Sylvia, Shakespeare & Co.
Emilia Cinzia Perri s'empare de son sujet en évitant au passage le simple déroulé chronologique des faits. L'intrigue débute dans les années 60. Les lecteurs y découvrent une vieille femme toute pimpante et avenante. Puis, de manière progressive, ils découvrent une personnalité qui a marqué l'histoire de la littérature et de la vie culturelle parisienne, mais tombée depuis dans les oubliettes de la mémoire collective. En choisissant de brosser le portrait de Sylvia Beach, la scénariste œuvre contre le phénomène d'invisibilisation des femmes dans les récits historiques officiels. Elle le fait sans militantisme et sans esprit de revanche. Au contraire, l'autrice présente le parcours extraordinaire de Sylvia, par tranches, en fonction des interactions et des discussions qu'elle a avec Nicole, qui dorénavant l’assiste au quotidien. Cela permet aussi d'évoquer des thèmes comme la famille, l'amour, l'homosexualité, le temps qui passe, le deuil...
Le récit s'en trouve densifié et veille à ne pas omettre les moments importants de l'existence de la libraire. Et ils sont nombreux : de son enfance dans une famille de la petite bourgeoisie américaine, de sa découverte des livres jusqu'à ses voyages à l’étranger, en passant par sa rencontre avec Adrienne Monnier (qui fut sa compagne) et les Potassons, l'aventure de l'édition du Ulysse de Joyce et son internement durant la Seconde Guerre mondiale, les lecteurs apprennent énormément sur la vie littéraire de cette partie du vingtième siècle. Ils se laissent balader dans une ambiance bercée par l'amour des livres et de leurs auteurs, même si ces derniers ne sont pas toujours hautement sympathiques.
Le trait de Silvia Vanni, tout en rondeur, contribue à l'ambiance du titre, en apportant de la douceur y compris dans les moments difficiles de la vie de la libraire. La dessinatrice a su s'affranchir d'une approche classique, mais aussi d'un style réaliste, ce qui donne un ouvrage à la fois joli et accessible à un large lectorat. De plus, certains moments bénéficient de trouvailles visuelles intéressantes. La découverte des livres par la jeune Sylvia en est un exemple : lors d'un épisode fiévreux, elle voit Shakespeare lui parler ; puis, une fois reposée, elle aperçoit des ouvrages du dramaturge dans la bibliothèque et entame la lecture de l'un d'eux. C'est la révélation. Pour mettre en image ce passage, Silvia Vanni fait voler son personnage comme une plume, non pas au gré du vent mais des mots. Par la suite, à plusieurs reprises, Mlle Beach s'envolera, y compris pour son dernier voyage. À l'inverse, pour illustrer le calvaire que fut l'édition en français du sulfureux roman de Joyce, l'artiste use de la houle qui part du bas de la planche pour grossir sous la tempête. jalonnant l'album, ces mises en scène imaginatives se révèlent très appréciables.
Sylvia, Shakespeare& Co est une biographie dessinée réussie, agréable à lire du fait de sa construction et son approche graphique. Cet album a aussi le mérite de sortir Sylvia Beach de l'oubli.
On nous présente ce roman graphique pour nous présenter une grande figure du Paris intellectuel de l'entre-deux-guerres à savoir Sylvia Beach, une américaine qui était la fondatrice de la fameuse librairie Shakespeare and Company.
Cet établissement fut considéré pendant l'entre-deux-guerres comme le centre de la culture anglo-américaine à Paris. De grand auteurs comme Ernest Hemingway ou James Joyce ou encore Francis Scott Key Fitzgerald y ont fait un petit tour. Considéré comme étant de haute qualité, le contenu de la librairie reflétait les goûts littéraires de Sylvia Beach.
Je ne connaissais pas du tout cette librairie, ni le personnage qui a joué un rôle non négligeable dans le développement de la littérature anglo-saxonne dans notre pays. C'est toujours bon à découvrir pour parfaire notre culture générale.
Cette BD nous prouve qu'il ne suffit pas seulement de réussir ses études à l'école pour réaliser ses rêves et trouver sa passion même dans la culture et la littérature. Il suffit d'y croire mais également de tout faire pour se réaliser sans attendre une quelconque aide providentielle extérieure. Ce n’était pas facile à cette époque là pour les femmes de travailler et d'aller jusqu'au bout de leur projet d'où beaucoup de mérite pour Sylvia !
Par ailleurs, c'est le genre de BD qui parle de littérature et de lecture de bouquin ce que je n'aime pas particulièrement, vous l'avez sans doute remarqué. Je ne poste en effet que des BD. D'autres m'ont fait cette réflexion : que des images. Oui, c'est vrai mais c'est devenu un art à part entière. Je trouve que cette œuvre est la parfaite alchimie entre nos deux mondes. Vous savez de quoi je parle !
Sinon, j'ai une réflexion sur l'auteur James Joyce dont je ne connais pas l’œuvre mais vous m'excuserez cette remarque un peu déplacée : mais quelle enflure ! Il s'est très mal comporté avec notre héroïne qui l'a toujours soutenu jusqu'à se montrer particulièrement vénale. Je déteste ce genre de comportement mais il faut dire que Sylvia est un ange qui pardonne tout. Oui, le monde de l'édition n'est pas tout rose !
Cependant, il existe également une formidable solidarité qui se met en place avec les auteurs tels qu'André Gide ou Paul Valéry pour sauver la librairie lorsqu'elle est en proie aux difficultés économiques à la fin des années 30.
C'est une lecture qui marque incontestablement pour entrer dans le monde merveilleux et enrichissant de la littérature.