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égalopoLyon, dans un futur incertain. Surpeuplée, ségrégationniste et globalement hors de contrôle, la ville survit sous la coupe des mafias. Les habitants de ce qui est devenu un cloaque ne trouvent du réconfort qu’avec le Blast, une drogue synthétique dévastatrice. Pire encore, des lots frelatés d’une origine inconnue sont récemment apparus dans les rues. Ce qui reste des autorités et les parrains des réseaux parallèles - ce sont les mêmes, évidemment - se doivent de réagir. Comme la manière forte est la seule qu’ils connaissent, il ne va pas faire bon de traîner une fois le soleil couché. C’est à ce moment que Pauli, un ado handicapé, a la bonne idée de sauter le mur et de se faire la belle. Safir, sa sœur, est chargée de le retrouver. Ah oui, un détail, ce sont les enfants du Mayor, le vrai maître de la cité. Sans compter que le garçon est un illégal depuis que les lois sur l’eugénisme sont entrées en vigueur.
Les amateurs d’anticipation, de dystopie et de thriller techno glauques seront à la fête avec La Mécanique. Kevan Stevens et Jef ont assemblé tous les stéréotypes du genre dans un récit choral dégoulinant, amoral et sans pitié. À peu près tout ce qui a été produit dans le style (au cinéma, en littérature ou en bande dessinée, comics et manga y compris) se retrouve à un moment ou un autre au fil des pages d'En moi le chaos, un premier tome qui envoie du lourd. Cependant, si le jeu des influences est amusant, voire intéressant à décrypter, il cache un scénario alambiqué aux ressorts peu compréhensibles et peuplé de personnages mal définis. Sans doute que la suite permettra d’éclaircir les tenants et les aboutissants. En résumé et en l’état, le lecteur est lâché sans avertissement au milieu d’évènements en ignorant tout des codes et du contexte de cet univers décati.
Visuellement, passé outre le côté hommage aux classiques et les nombreux emprunts plus ou moins directs, les illustrations en imposent. Jef parvient à donner énormément de vie et de ressenti à ce monde futuriste. Omniprésence des écrans, silhouettes longilignes des immeubles, bas-fonds crasseux et sombres, l’étouffement généralisé des âmes est tangible. Ce rendu admirable est sublimé par une mise en couleurs aux tonalités collant en permanence à l’ambiance de ce roman noir de demain. De plus, si le résultat sent pas mal le déjà-vu, il est indéniable que le dessinateur réalise là une excellente synthèse, très aboutie.
Histoire formatée recyclant beaucoup ce qui existe déjà ou fidèle ré-interprétation revendiquée des ficelles utilisées par tous ? Chacun se fera son avis. En attendant, En moi le chaos s’avère être une entame solide d’une série qui ne demande qu’à se déployer et qui, espérons-le, arrivera à dépasser ses modèles pour se sortir des sentiers (re-)battus.
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