«Faire du nouveau, mais pareil.» Au sein du microcosme de la bande dessinée classique, tel est le diktat que les fans exigent de leurs auteurs favoris. Plus facile à dire qu’à faire leur répondent en chœur les artistes. Dans les premières années d’une série, il est possible d’arranger les bidons et satisfaire tout le monde. Les personnages et leur univers sont encore suffisamment plastiques et de nombreuses zones d’ombre demeurent. Arrivé au tome 29, comme c’est le cas avec Perpétuité, la mission est plus délicate. Sans compter que Jérôme, s’il est bien un héros, ne voyage pas beaucoup à travers la planète et la résolution de ses cas n’engage pas souvent le futur de la galaxie. Routinier, casanier et un cercle d’amis relativement réduit ; innover sans choquer n’est pas la chose la plus aisée.
Alain Dodier est évidemment au fait de ses obligations, tant envers les lecteurs que ses héros. Alors, en bon artisan qu’il est, il remet son ouvrage sur le métier. Une série de disparitions, une marâtre désagréable et une cave fermée à clef, tels sont quelques éléments avec lesquels Jérôme doit se dépêtrer. Passages obligés : son solex est en rade et son ami Arthur (le curé-mécano) lui prête une mob’, Burhan (l’épicier-les-bons-tuyaux) est aussi présent, c’est un ami d’une des victimes. Et Babette ? Elle est en déplacement aux antipodes. Rassurez-vous néanmoins, elle reste profondément ancrée dans l’esprit de son amoureux. Ajoutez un ou deux sujets sociaux actuels et vous obtenez une petite enquête aux rebondissements maigrichons et aux développements tranquilou bilou.
Découpage au cordeau, dessins à l’encrage léger, presque aérien et un souci tout particulier pour les rues parisiennes et les véhicules, le dessinateur offre, comme à son habitude, une copie chaleureuse et particulièrement habitée. Ces immeubles, ces trottoirs et même ces téléphones portables d’une autre génération, ils sont tous immédiatement reconnaissables. L’ambiance est un peu rétro, mais pas trop. Tel un vieux pull un peu déformé et tellement confortable, l’immersion dans ces planches se fait avec plaisir et facilité. Style totalement abouti, cent pour cent efficace, le tout doté d’un capital sympathie énorme : quarante ans de carrière, c’est aussi ça.
Au final, pour être honnête, Perpétuité n’est pas la meilleure affaire tombée sur le bureau de Jérôme. Le scénario se révèle plus que ténu et le récit ne décolle jamais vraiment. Pour autant, le volume s’intègre parfaitement dans le ton de la collection et devrait rassasier, au moins un instant, les nombreux admirateurs du plus populaire détective de la maison Dupuis (n’en déplaise à Gil Jourdan).
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