A
ssassins plus ou moins adroits, cambrioleurs mal informés, fossoyeurs distraits ou artistes maudits (cela va sans dire), la vie n’est pas tous les jours facile à la marge de la société. Bah, "après la pluie, le beau temps" comme disait ma grand-mère. Les mauvaises passes ne durent jamais très longtemps pour la majorité. Évidemment, chez les malchanceux, il va falloir être patient, l’éternité, c’est avant tout un projet à long terme.
Ghyslain Duguay et Sébastien Duguay (ils sont cousins) apprécient l’humour noir et proposent une déclinaison de micro-nouvelles – d’autres appellent ça des strips, ne chipotons pas – explorant ce genre d’une multitude de manières. Quatre cases : une afin de poser la situation, deux pour la développer et une dernière avec une chute, le mode d’emploi est simple, mais exige concision et précision. Recherche continuelle du bon mot et de l’image choc ou révélatrice, les scénarios s’avèrent bien construits et offrent quelques jolis moments délicieusement décalés et cruels. La variété des sujets se montre impressionnante. Également sympathique, plusieurs références ou clins d’œil apportent ce qu’il faut de convivialité et de complicité. Un petit bémol vient d’un manque de d’unité sur la longueur. Quand chaque histoire ne dure qu’une page, il ne saurait en être autrement. Dommage cependant qu’aucune direction générale ne ressorte. Les récits se succèdent sans trop de logique. Peut-être qu’une petite réflexion au niveau de l’édition de ceux-ci aurait permis d’apporter un peu de cohérence ou de sens à l’entreprise.
S’il s’agit d’un premier album pour Sébastien, Ghyslain est déjà connu des bédéphiles via la série MacGuffin & Alan Smithee. Dans Noir obscur, il a logiquement laissé de côté les couleurs psychédéliques des années soixante pour un noir & blanc de circonstance. L’espace limité à disposition l’a forcé de compenser avec une mise en scène inventive de haute voltige. Plongée, contre-plongée, coups de zoom, jeu sur la profondeur de champ, etc, sa caméra n’arrête jamais de bouger avant de s’arrêter exactement au bon endroit. Le résultat est enthousiasmant et diablement efficace.
Exercice de style globalement réussi, rempli d’esprit, d’effroi et de rires (quand même), Noir obscur est une curiosité recommandée aux amateurs de deuxième degré et de plaisanteries qui font grincer les dents.
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