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aïf, peureux, influençable, idiot, probablement dépressif... voici le portrait peu engageant de Cornelius. Il travaille comme agent d'entretien dans un centre sportif. Authentiquement médiocre, il n'a pas l'étoffe d'un héros de bande dessinée. Quand son amie Alspacka, qui est également la nièce de son patron, se fait enlever sous ses yeux, il ne se contente pas de faire preuve d'une grande lâcheté. Il ne prévient personne, se persuadant que tout va s'arranger, comme par magie. Lorsqu'il trouve la demande de rançon des ravisseurs, sa maladresse conjuguée à sa couardise inaugure une spirale d'actes stupides qui vont retarder l'enquête, jusqu'à faire de lui le principal suspect du rapt. Quant à la victime, elle tente de préserver sa santé mentale pendant que sa séquestration se prolonge inutilement.
Plus que l'histoire, l'intérêt de ce livre réside dans sa structure, qui confine à la mise en abyme. Marc Torices a composé son livre comme une forme d'anthologie de bandes dessinées qui imitent une multitude de styles, depuis récits en estampes proches de l'esprit de Caran d'Ache, les comic strip syndicates qui peuplaient la presse jusqu'aux romans graphiques contemporains. En effet, le concept de ce livre se base sur l'idée qu'il s'agit d'une série qui a traversé les décennies, les styles et les bouleversements sociaux qui ont secoué l'Espagne. De copieuses notes complètent le travail de mystification, imaginant les aléas éditoriaux et les différentes versions de Cornelius. L'objet est d'ailleurs particulièrement soigné.
Le genre graphique choisi par l'auteur accentue le ton du récit. La simplicité presque malhabile côtoie des passages plus psychédéliques et d'autres lorgnant vers l'illustration figurative. Cela lui permet de traduire l'état d'esprit des personnages. La psychologie est donc abordée par un angle original. Le procédé est intéressant sur le principe. Il tourne pourtant rapidement à vide. L'intrigue est trop tenue pour tenir sur plus de trois cents planches, même en tenant compte des nombreuses ruptures de style. Le personnage principal est horripilant à l'extrême et les seconds rôles ne sont pas plus engageants. Entre gêne et ennui, le récit avance dans une forme de torpeur dérangeante, incarnée par Avalutsa, particulièrement détestable.
la vie pleine de joie du triste chien Cornéliusapparaît donc comme un album conceptuel, malheureusement bâti sur du vent. Passé la surprise initiale, il faut vraiment être amateur d'univers qui mêlent absurde et malaise pour y trouver son compte.
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