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algré le décès récent de sa grand-mère, Alix surmonte son chagrin et avance. Trois mois après son arrivée à Bruxelles, à 21 ans, elle signe son premier CDI pour une agence de communication et son premier contrat d'édition. Pendant l'année qui suit, elle travaille beaucoup mais peut compter sur le soutien de son compagnon, Lucas, avec qui elle vit désormais. Il est adorable et cela ressemble au bonheur jusqu'à ce que tout se détraque sans qu'elle ne comprenne ce qu'il se passe. Par contre, faire l'amour lui devient clairement impossible. Chaque rapport ou ne serait-ce que l'idée même d'une pénétration lui procure des douleurs insupportables. Commence alors un long chemin pour Alix et son couple.
Difficile de coucher sa vie sur le papier et d'aborder l'intime. Pourtant, pour son deuxième album, après le touchant Ne m'oublie pas dédiée à sa grand-mère atteinte d'Alzheimer, l'autrice belge se livre sur un thème fort : le vaginisme. Sur un sujet rarement abordé, encore moins dans le neuvième Art, Alix Garin décrit un trouble sexuel qui frappe énormément de femmes. Avec beaucoup de pudeur et de sincérité, elle va retracer son parcours, de l'apparition de sa maladie à sa guérison. Cette pudeur se traduit en premier lieu par le graphisme de l'artiste. Un trait rond et expressif, de grandes cases et un découpage simple et fluide, ponctué de quelques trouvailles pour exprimer la douleur, l'effroi ou l'incompréhension qui la saisissent.
Cette pudeur se retrouve ensuite dans la description même de son cheminement, qui ne sera pas de tout repos. D'abord, la stupeur et le silence ; devant les injonctions de la société et de la norme « couple », il devient difficile d'exprimer ce qui lui arrive et de mettre sa vie sexuelle en pause. Même si elle en parle à Lucas, Alix se sent obligée de subir, sans se plaindre, et continue de coucher avec lui malgré la douleur. En parallèle, elle se heurte à l'incompréhension du corps médical, du moins au début. Pharmacien, gynécologue, sexologue, aucun des spécialistes consultés ne comprend ce qui lui arrive. Puis, enfin, la bonne interlocutrice, dénichée presque par hasard, pour mettre des mots sur ses maux. En décrivant ainsi ce qu'elle traverse, l'autrice livre son quotidien sans fard et sans faux-semblant. Ses doutes, ses choix, son courage évidemment. Une manière d'exorciser ce qui lui est arrivé et de témoigner, pour que cela serve à d'autres quel que soit leur genre.
Catharsis et témoignage, Impénétrable est aussi et surtout une ode à l'amour. L'amour de soi, mais également celui d'un couple qui a décidé de s'écouter, d'écouter l'autre pour avancer et construire sa propre relation sans se soucier des normes imposées et du regard des autres. Pour mieux se connaître et mieux s'aimer.
A travers son témoignage, l'autrice nous plonge dans son parcours, entre errance médicale, et relation à soi, aux autres, au couple et à la sexualité. On suit son histoire sans pouvoir poser la BD, car à travers ce parcours très intime et personnel, et même si on n'est pas concerné par le vaginisme, les échos à notre propre vie sont nombreux. La justesse du ton, du rythme, des couleurs mettent vraiment en valeur son récit.
L'autrice avait déjà réalisé une magnifique BD sur la vieillesse avec Ne m'oublie pas, elle continue de casser les tabous et nous parler de quotidien avec délicatesse et humour.