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estaurateur de tableaux, Guerlain vient de s’installer avec son fils Nisse dans le manoir Drosera, attendant d’être rejoints par Daphné. C’est dans cette demeure que le trentenaire a grandi, en compagnie de ses trois grandes sœurs. Dès son plus jeune âge, Guerlain est plutôt réservé, mutique même. Il s’avère aussi rapidement être un oiseau de nuit. De son enfance dans la vaste maison, il ne conserve toutefois quasiment aucun souvenir. Ouvrant une armoire, père et fils découvrent trois corneilles, auxquelles ils redonnent leur liberté. Mais les volatiles restent auprès d’eux. Peu à peu, le château révèle bien d’autres faits étranges et troublants.
Après Le jardin, Paris, Gaëlle Geniller s’engage dans un récit bien plus noir et mélancolique pour son quatrième album. Avant l’histoire à proprement parler, c’est l’ambiance qui importe dans Minuit passé. Un temps envisagée comme une œuvre en niveaux de gris (avant que la couleur ne soit finalement privilégiée), l’œuvre prend les allures d’un huis clos, installant une atmosphère étouffante et pesante. Dans la première partie de l’œuvre (qui en compte trois) aucun autre personnage humain que Guerlain et Nisse n’est montré. Une voix au téléphone, un bruit curieux, une ombre, mais aucun visage. Le lecteur est ainsi rapidement embarqué dans les errements du personnage principal à travers ses insomnies et la reconstruction progressive de ses souvenirs… à tel point qu’une confusion habilement dosée entre réalité et rêves émerge, bien aidée par ce qui ressemble à une pointe de fantastique. Attachant, caractérisé par une profonde vulnérabilité, le protagoniste entreprend une touchante quête à la recherche de lui-même. Si la fin est relativement convenue, le chemin en sa compagnie est hautement agréable.
Le mystère, les représentations métaphoriques et la poésie se confondent dans des planches aux couleurs dominantes variées et aux mises en page inventives. Le trait de Gaëlle Geniller est, comme à son habitude, reconnaissable à son élégance et d’une réelle subtilité dans les expressions. Dans une veine Art déco, les décors sont travaillés et fourmillent de détails sur lesquels s’arrêter. Surtout, les vêtements, auxquels l’autrice a accordé une importance toute particulière, sont d’une grande finesse (de nombreuses recherches préliminaires figurent d'ailleurs en fin d’album). Graphiquement et dans la qualité de l’édition, l’immersion est totale.
Visuellement impeccable, Minuit passé est une merveilleuse poésie sombre au milieu de laquelle jaillit la clarté.
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