S
ortant de la broussaille, un crapaud portant ses œufs arrive au bord de la route. Il entame sa traversée. Un vrombissement brise la quiétude de la soirée. Le sol se met à trembler. Une lumière aveuglante fonce sur le batracien. Une fraction de seconde plus tard, le calme est revenu. Le crapaud ensanglanté est allongé sur l’asphalte. Son amour pour ses progénitures lui permet de mobiliser des forces insoupçonnables. Dans son dernier souffle, il rampe sur le bitume pour atteindre un point d’eau où il se laisse finalement tomber. Un seul têtard en réchappe.
En 2020, Jérémie Moreau publiait chez 2024 Le discours de la panthère, succession d’histoires courtes aux allures de fables, prétextes à de profondes réflexions sur le sens de la vie et de la mort. C’est dans la lignée directe de ce précédent ouvrage que s’inscrit Alyte, qui prolonge l’exploration par l’auteur du monde animal et poursuit les réflexions qu’il avait initiées. Alyte est un crapaud accoucheur. Après la tragédie qui frappe son père et ce qui aurait pu être sa fratrie, l’amphibien se retrouve seul pour partir à la découverte du monde. Dès la naissance, il est confronté à la brutalité de son environnement. Heureusement, son chemin l’amène à faire de belles rencontres : Iode le saumon, Plonk le chevreau, Musk le bousier ou encore Axon, le plus vieil arbre de la forêt. Surtout, dans sa quête du sens à donner à son existence, il apprend à accepter que la mort est partout, qu’elle constitue la fin inévitable de toute chose.
Jérémie Moreau est en terrain connu et aborde une nouvelle fois les thématiques qui traversent toute son œuvre, un propos écologiste évident étant également au cœur du sujet. L’artiste parvient toutefois à se renouveler en proposant un traitement différent avec, dans le cas présent, une approche assez métaphorique par endroit. Accessible à tous les publics, cet album peut parfaitement être appréhendé par de jeunes lecteurs qui pourraient être séduits par le trait rond et empreint de naïveté, la douceur des couleurs et la puissance des doubles planches. Tout, dans Alyte, semble d’une infinie simplicité. La dureté des messages véhiculés n’est, pourtant, aucunement édulcorée. Chacun·e peut, dès lors, trouver matière à longuement réfléchir.
Déambulation poétique, ode à la Nature, cri du cœur pour éveiller les consciences collectives… c’est tout cela que Jérémie Moreau rassemble avec talent dans ce livre indispensable.
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