G
alswinthe et ses deux fils, Aldarik l'aîné et Tarik le cadet, vivent à l'écart de leurs semblables, dans la forêt. En apparence, tout se passe à merveille pour la petite famille. Pourtant, tout va basculer lorsque le plus jeune des garçons décide d'aller chasser seul. Les évènements de cette soirée funeste vont radicalement changer les choses. Depuis, la mère passe son temps plongée dans ses parchemins en espérant trouver des réponses à ses questions tandis que Tarik tente d'échapper à ses démons... et à ses créanciers.
Pour sa première publication dans le neuvième art, Sophie Leullier propose un récit fort, empreint de légendes celtes. Après une mise en place copieuse et prenante, qui décrit le drame frappant ses protagonistes, l'autrice invite son lectorat à plonger dans les pas de la mère et du fils qui tentent tant bien que mal de surmonter leur chagrin. Elle compose une histoire où le deuil occupe une place prépondérante. Chacun y fait face comme il peut. D'un côté, Galswinthe qui refuse de laisser le défunt sans sépulture et met toute son énergie à trouver une solution. De l'autre, un frère qui n'arrive pas à se séparer de son sentiment de culpabilité et se détruit à petit feu. Cette différence, symbolisée par l'impossibilité que mère et fils ont à dialoguer, est un des ressorts de l'intrigue.
Dans la lignée d'une nouvelle génération d'autrices au talent indéniable - Anaïs Flogny (Rivages Lointains), Gaëlle Geniller (Le Jardin, Paris, Minuit passé) ou encore Carlotta Dicataldo (Rebis) - , Sophie Leullier s'appuie sur un graphisme travaillé. Que ce soit dans la mise en scène ou le chara-design, l'artiste possède un savoir-faire indéniable. De même, sa gestion du rythme, notamment l'utilisation judicieuse de silences et de séquences muettes, est efficace. Elle met le tout au service d'une histoire mêlant habilement fantastique, quête de vengeance et rédemption. Si certains flash-backs ne sont pas forcément limpides, la caractérisation des personnages, principaux comme secondaires, les rebondissements et la montée en tension du récit s'avèrent convaincants. L'ensemble se lit d'une traite avec ce qu'il faut de dramaturgie, d'émotion et d'espoir.
Malgré de légers défauts dans la fluidité, Ce que les corbeaux nous laissent impressionne. Une fable touchante au style maitrisé, Sophie Leullier réussit son entrée dans la bande dessinée et donne rendez-vous au public pour ses prochains albums.
Lire la preview.
Il est vrai que les corbeaux ne laissent pas grand-chose après leur passage tant ils sont avides de nourriture et de chair morte.
Il est question de vengeance dans les contrées normandes du IXe siècle en plein Moyen-Age dans une période sombre marquée par les superstitions. Oui, l'époque est plutôt dure et cruelle surtout lorsqu'une fratrie est séparée par la mort. Le survivant n'aura de cesse que de vouloir retrouver les coupables. Mais à quel prix ?
Voici un récit plutôt puissant qui appelle un riche folklore médiéval pour raconter les différentes phases d'un deuil. J'ai bien aimé le final qui ne laisse pas de place à la résurrection ce qu'on aurait pu craindre avec ces histoires de sorcières et de monde parallèle.
J'ai noté une véritable richesse et générosité dans le dessin qui fait assez animée avec des personnages assez expressifs. Une mention spéciale pour une colorisation qui a rendu la lecture plutôt agréable. On pourrait penser que cela s'adresse alors à un public jeunesse mais certaines scènes de violence nous indiquent clairement qu'il faut être déjà un jeune adulte bien dans sa tête.
Le bémol proviendra sans doute du récit dont j'aurais aimé plus de clarté au niveau de la relation de la mère avec les villageois. Certes, il y aura bien une révélation finale mais elle apparaît un peu comme artificielle pour les besoins de l'histoire. Bref, c'est trop voyant.
Pour le reste, on se laissera porté par ce récit marqué par d'incessants flash-back. Les deux personnages principaux sont creusés d'un point de vue psychologique ce qui donne une certaine densité et crédibilité au récit. Ce n'est pas pour me déplaire.
Au final, c'est un titre qui se défend plutôt bien avec ses qualités et ses défauts.