I
l se réveille allongé sur une plage, amnésique. Logiquement, il a dû faire naufrage et a dérivé miraculeusement jusqu'à ce qui se révèlera rapidement être une île isolée. Le climat n’est pas trop mauvais, ça pourrait être pire. À force de fourrager ici et là, il trouve de quoi se nourrir et se bâtit un semblant d’abri. Il y a bien quelques bêtes qui ont l’air un peu sauvage, il suffit de rester à l’écart. Par contre, le temps est long. Au détour d’une balade, il tombe sur des ruines : l’endroit à donc déjà été habité. L’est-il encore ? Pourquoi ne pas construire un radeau et s’échapper ? Et ces bruits étranges qu’il entend la nuit et qui semblent venir du sous-sol ? Pfft, la solitude, c’est quand même dur.
Album concept à mi-chemin entre la BD, le livre illustré et le jeu vidéo, Journal d’un naufragé est un projet hautement sympathique qui profite d’une foule d’influences pour séduire. La mise en page minimaliste se résume à une composition unique en 3D isométrique par planche. Ces dernières sont truffées de détails à dénicher et à décrypter. Quelques lignes de texte (le monologue du héros) accompagnent les dessins et l’ensemble est complété par des fiches de personnages façon jeu de rôle et des épisodes «bonus». Gozz s’amuse comme un petit fou et, comme il est généreux, il en fait profiter tout le monde.
Une île déserte, oui, mais pas désertique !
Au fil des pérégrinations du protagoniste principal, un territoire se met en place (sous-sol y compris), une chronologie longue apparaît, structurant l’espace. Ce côté «création d’un monde» se montre passionnant à découvrir. Un style cent pour cent douceur et tout en couleurs rend l’expérience agréable et envoûtante. Flore, créatures et rochers, l’entièreté de l’environnement est dépeint avec une même bienveillance qui n’empêche aucunement les tensions et les moments d’action. Résultat, la lecture s’avère prenante et toujours surprenante.
Outre l’ombre tutélaire d’Hayao Miyazaki et la tradition des sashi-e, technique traditionnelle de l’estampe que le dessinateur pratique également, ce mini-univers rappelle aussi par certains côtés des œuvres d’Alex Chauvel comme Les pigments sauvages ou l’audacieux Ours liquide. En effet, si le récit semble éclaté ou décalé, il reste en réalité globalement linéaire et très facile à suivre. Simplement, pour une fois, le lecteur est appelé à participer activement au déroulement de celui-ci.
Pas vraiment théorique ou expérimental, mais certainement totalement novateur et percutant, Le journal d’un naufragé est un ouvrage plein d’aventures et de fraîcheur. Une très jolie curiosité tout public made in Japan à dévorer.
Poster un avis sur cet album