D
ans le bar de cette petite bourgade du bord de mer, rien ne vient habituellement perturber les parties de cartes d’Arsène et ses compères. Mais ce jour-ci est un peu différent. Une mystérieuse inconnue entre et interrompt les joueurs. Son souhait est de rejoindre un point précis dans l’océan ; elle cherche donc un marin pour l’y conduire. Elle est orientée vers Martin. Approchant de sa maison, à quelques mètres des falaises, Jeanne est accueillie par des notes de trompette. La rencontre entre les deux personnes, que tout oppose, est immédiatement tendue. Mais Jeanne sait être convaincante. C’est décidé : dans quelques semaines, ils prendront le large.
Pour leurs premiers pas dans la bande dessinée, Harold Charre et Quentin Boyer Di Bernardo conjuguent leurs talents pour offrir un album surprenant et agréable. Bien lancée par des récitatifs à la rédaction soignée, l’histoire prend la tournure d’une grande aventure maritime. Une sorte de huis clos paradoxal s’installe : les deux protagonistes sont cantonnés à leur bateau tandis que, face à eux, l’immensité des océans se déploie. Une relation intéressante se noue entre le jeune homme et la dame à l’âge déjà avancé. Ils ne se comprennent pas – en tout cas pas immédiatement – tout en développant malgré eux une amitié sincère et intime. La poésie du récit se révèle progressivement, bien aidée par les couleurs pastel qui marquent les planches. Le trait est parfois appuyé, parfois parfaitement discret, créant de la douceur malgré la tournure des évènements et les thèmes abordés. Car, au fil des plus de cent-trente planches, il est autant question de la force des croyances que de la manière d’aborder le deuil.
Peut-être un peu hâtif dans la seconde moitié après une mise en place plus lente, l’Île aux géants est une première œuvre qui, en dépit de ses défauts, démontre une belle maîtrise du médium par ses deux jeunes auteurs.
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