1343. Philippe VI de Valois règne sur la France. Des tensions sont apparues entre le monarque et Olivier de Clisson, seigneur riche et puissant, qui pourrait lui faire de l’ombre. Afin de le tenir à l’écart de l’échiquier politique, on fait courir les rumeurs qu’il serait à la solde des Anglais et qu’il soutiendrait Jean de Montfort contre Charles de Blois, proche de la couronne, pour la succession du duché de Bretagne. Il n’en faut pas davantage pour justifier son arrestation. Jeanne de Belleville, son épouse, se déplace à Paris pour le faire évader. Aidée par Guillaume Bérard, fidèle écuyer d’Olivier, elle tente d’activer ses relais parisiens. Ses tentatives sont déjouées, son époux est passé à la question. Ce dernier finit par avouer tout ce que son tourmenteur lui demandera. Menacée, Jeanne est contrainte de retourner sur ses terres. Plus tard, lorsqu’elle reçoit un coffret contenant la tête de son mari, elle devient enragée, lève une armée, déclare la guerre au roi de France et met la Bretagne et la Vendée à feu et à sang, faisant montre d’une violence inouïe et d’un manque total de commisération.
Roger Seiter (Cœur de sang, Lefranc) au scénario et Frédéric Blier (La Parole du muet, Les Compagnons de la Libération) rendent hommage à une figure méconnue du Moyen Âge tardif. Il est attesté que Jeanne de Belleville (1300-1359) a bel et bien existé et qu’elle a mené pendant plusieurs mois une campagne farouche contre le roi de France, sur terre et sur mer. Les documents historiques étant peu nombreux, Roger Seiter a complété les lacunes par son imagination. Le résultat est un récit cohérent, mettant en valeur une femme à la tête d’un combat acharné et perdu d’avance. Sa colère et son indignation donnent à ce personnage sa force et son originalité. Il est cependant dommage que le scénariste n’ait pas approfondi l’étude de la personnalité de Jeanne, sa transformation d’épouse indignée en tigresse intraitable, la coexistence de l’amour maternel et de la cruauté de la guerrière dans une même figure.
Même remarque d’un point de vue graphique. Jeanne a toujours un visage serein, même dans les situations les plus extrêmes. Le dessin de Frédéric Blier est sans faille, sauf sur l’expression des émotions, pourtant au rendez-vous dans cette histoire. Il manque du relief à cette restitution plastique d’un Moyen Âge fantasmé et rendu, cependant, dans un souci de fidélité historique. Il n’y a pas que le Hellfest à Clisson ; cet album ressuscite une autre figure du pays nantais.
Quand on dit à une femme que c'est une tigresse, ce n'est pas très gentil mais certaines peuvent bien le prendre car elles se défendent avec leurs griffes. On peut alors être également une tigresse bretonne ce qui donne encore plus de cachet avec ce peuple qui ne se laisse pas faire non plus ...
Cette femme d'exception ainsi surnommée fut la première femme pirate de l'Histoire qui va vouloir venger la mort de son mari face au roi de France Philippe VI. C'est ce terrible récit historique qui nous est conté à travers cette BD. Oui, elle ne fera pas de quartier et quelque part, c'est légitime que de résister face à la tyrannie d'un roi jaloux de la richesse de ses sujets dans le contexte tendu de la guerre de cent ans.
Et le dessin ? Ben, il s’avère finalement extrêmement lisible et adapté à ce genre de récit avec un souci du détail notamment dans ces décors immersifs du Moyen-Age. Oui, on peut vraiment dire que les auteurs ont réalisé une bande dessinée très intéressante avec un style graphique très agréable à l’œil.
Au final, une BD historique sur un passage de l'Histoire que je ne connaissais pas mêlant la vengeance d'une veuve épeurée qui va céder à la haine et à la violence afin que justice soit faite. Cependant, le prix à payer sera alors encore plus lourd.
La fin marque en effet le retour à la réalité de ce qui aura été une parenthèse destructrice. Il restera néanmoins la légende de Jeanne la Corsaire. Une rue de Nantes porte d'ailleurs son nom.