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n 1740, remontant le cours de l’Ohio, un groupe de chasseurs mowhaks tombe sur les restes d’un chariot et des pionniers qui l’occupaient. Quatorze ans plus tard, alors qu’ils pêchaient, Loup Blanc et ses compagnons assistent, cachés par la végétation, à une escarmouche meurtrière entre soldats français et britanniques. Si ces derniers sont les alliés de sa tribu, l’Amérindien s’en méfie et, sentant le conflit se profiler, préfère quitter son clan pour mettre à l’abri son épouse Loutre et leurs enfants. Au même moment, Jacques « Carabine » de Lestac, un trappeur, est pris en chasse par des guerriers hurons décidés à lui faire la peau. Son chemin va croiser celui de Loup Blanc et des siens.
Empruntant le sillon ouvert par James Fénimore Cooper dans ses Histoires des Bas-de-cuir, popularisées au cinéma et en bande dessinée par l’adaptation du célèbre Dernier des Mohicans (notamment par Cromwell en 2010), Fred Duval (à l’écriture), Brada (au dessin), et Jean-Paul Fernandez (aux couleurs) invitent les bédéphiles sur les rives de l’Ohio, à un moment important de l’histoire de la colonisation de l’Amérique du Nord par la France et le Royaume-Uni au XVIIIe siècle.
Le récit plante adroitement le décor et brosse le tableau général de ce contexte de rivalité et de conquête, dans lequel les Peuples Premiers sont entraînés du fait de leur alliance avec un camp ou l’autre. D’une grande fluidité, le récit est bien rythmé. Il se concentre tour à tour sur Loup Blanc, les siens et Jacques « Carabine ». À travers eux se dévoilent le quotidien des tribus locales, les inimitiés entre certaines d’entre elles – ici, les Mohwaks et les Hurons –, de même que les aléas de l’existence des Blancs venus chercher fortune ou refuge dans ces contrées. Tandis qu’un grand humanisme et un sens aigu de la réalité se dégagent des propos et de l’attitude de l’Amérindien, le caractère du trappeur se révèle, entre autres, dans un flashback permettant de mieux appréhender son passé. Les personnages secondaires, entre autres une famille de colons français pris entre deux feux et un étrange missionnaire arpentant ces lieux encore sauvages, voire hostiles, complètent le tableau.
La partie graphique soutient avec succès la narration. Ainsi, Brada insuffle vie et expressivité aux différents acteurs, grâce à son trait semi-réaliste. En parallèle, certaines scènes plongent agréablement dans l’ambiance journalière des Mohwaks puis des Sénécas ; il en va de même pour les paysages donnant à apprécier les beautés de la nature où passe le cours d’eau. Les combats sont également dynamiques et bien réalisés. Enfin, la mise en couleurs rehausse efficacement l’ensemble.
Avec ce premier tome habilement mené et joliment illustré, la trilogie Ohio. La belle rivière prend un bon départ. Un voyage en terre amérindienne qui captive aisément et mérite de s'y pencher.
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