Q
ue reste-t-il quand tout vous a été enlevé ? Qu’est-ce qui vient après ? Un peu de vie et beaucoup de vide. Touché, comment ne pas l’être, par le destin tragique de N’Diho Monozande, Kamel Khélif tente d’imaginer cette suite dans un petit et élégant album. Des mots, il y en a quelques-uns, car il faut bien pouvoir raconter. Des images, oui, évidemment, c’est son métier et quand le verbe n’y arrive pas, elles sont indispensables. Entre les deux, le blanc du papier, le vide et le silence.
Congo, 2008. N’Diho Monozande est pris dans la tourmente de la guerre civile qui déchire une fois de plus son pays. Des miliciens arrivent aux portes de son village, armes à la main. Une bonne partie des habitants sera massacrée, son épouse et ses huit enfants font partie du nombre. Gravement blessé, il survit et, tel le Colonel Chabert, émerge au milieu des victimes.
Des textes en vers libres font face à des illustrations au lavis et aux allures d’eaux-fortes, Khélif a imaginé un dialogue légèrement décalé. Les réflexions et le ressenti du survivant alternent avec des compositions montrant son cheminement. Parfois, les pensées et les images sont synchrones, d’autres fois déphasées. Des souvenirs trop durs font caler l’homme, il lui faut alors quelques pages pour qu’il rattrape le cours des choses. Du temps - lui en a encore - est nécessaire afin de faire son deuil, si jamais il y arrive.
Chagrin et réflexion, pas d’explication (qu’y a-t-il à justifier ou même à comprendre ?), seulement des couches d’émotions empilées, un souffle après l’autre. Et le jour d’après ? Il arrivera bien assez tôt.
Monozande est disponible aux éditions Le Tripode.
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