Q
uelque part en Lozère en 2007, un lieu-dit paumé dans un département isolé. Il n’y a que deux fermes, celle de Gustave, dit Gus, et, à cinq cents mètres, celle d’Abel. Les deux hommes ne se connaissent guère. Abel n’avait pas le droit d’approcher l’exploitation des parents de Gus. Après la disparition de ceux-ci, quand leur fils s’est retrouvé seul, les deux voisins se sont rapprochés, comme on se rapproche au pays des taiseux, à échanger un mot de temps en temps, à se rendre un service, à se prêter du matériel. Pas d’effusion, ni de vie en dehors du travail. Gus se rappelle son enfance, ses expéditions à la cave pour remplir la bouteille du paternel, dans l’obscurité, parmi les araignées et les rats. L’ivrognerie et la brutalité de son père, le silence de sa mère. Lors d’une chasse aux grives, Gus entend des coups de feu et des cris venant du côté de chez Abel. Il trouve des traces de sang et de pas à proximité de sa maison. Curieux et inquiet, Gus surveille Abel ; il le surprend nettoyant une pelle ensanglantée. La méfiance s’installe entre les deux hommes.
Franck Bouysse adapte son propre roman, auréolé de plusieurs prix, Grossir le ciel, paru en 2014. Il s’adjoint les services de Borris (Albert Londres doit disparaître, Charogne). Le récit appartient à la catégorie littéraire dite du roman policier rural, qui a le vent en poupe depuis quelques années, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Délaissant les classiques mégalopoles, crimes, tragédies et enquêteurs investissent les grands espaces, les populations reculées et une cohabitation pas toujours harmonieuse avec la nature. Grossir le ciel respecte la règle des trois unités tragiques : un coin de campagne, une poignée de journées enneigées fin janvier et un fil narratif imparable. L’œuvre présente également l’originalité d’être un polar sans flic ni détective privé, donc sans morale ni happy end. Personne ne s’en sort. Nous sommes plus proches de Racine et Shakespeare que d’Agatha Christie ou Georges Simenon. De secrets de familles en isolement social, la tragédie enfle puis explose, inexorablement.
À l’exception d’un court passage ramenant Gus en 1974, alors qu’il était amoureux d’Anna, l’album est en noir et blanc ; blanc comme la neige, noir comme les âmes des individus. S’il est rehaussé ponctuellement de rouge, c’est pour marquer l’irruption traumatisante de la violence crue dans la léthargie d’une vie apparemment sans relief. Avare de mots elle aussi, la bande dessinée sait offrir des instants suspendus, le poids de la monotonie et le joug d’une existence de délaissés. Si l’adaptation ne saurait rendre la précision, la profondeur et la poésie du texte initial, elle est une invitation percutante à découvrir l’univers d’un grand romancier contemporain.
Terminé cet album il y a quelques minutes , que c'est noir ....à souhait , pas énormément de dialogues , mais pas vraiment nécessaire , le dessin suffit amplement ...seule petite note de couleur le moment ou Gus , amoureux de la belle Anna veut l'inviter à danser , malheureusement , elle finit dans les bras de cette brute épaisse de Paradis !!
Et nous replongeons dans le noir et blanc , atmosphére parfaite pour cette bd , ou tout finira malheureusement mal !!!
Conseillée par mon libraire , je ne regrette pas mon achat , une excellente bd ...ou chaque personnage est à sa place , y compris le chien de Gus !!