J
uin 2006. Marion Marat, alors âgée de dix-neuf ans, s’écroule chez elle victime d’un AVC massif. Elle se réveille à l’hôpital, hémiplégique et apathique. Le diagnostic est terrible pour cette jeune femme qui entamait à peine sa vie d’adulte. Plusieurs opérations et des mois, des années même, de réadaptation sont nécessaires pour qu’elle regagne son autonomie. Elle s’intéresse alors aux causes probables de son accident : une réaction à la pilule contraceptive hormonale progestative qu’elle prenait à ce moment. Étonnée du peu d’information à propos des effets secondaires possibles et de l’absence d’avertissement de la part des médecins, elle décide d’alerter la cité via les médias et écrit un livre cri du cœur (La pilule est amère, Éditions Stock, 2013). Son but est d’informer les utilisatrices du risque potentiel que les fabricants, pourtant au fait, omettent de signaler dans leurs communications promotionnelles. Dans la foulée, elle attaque en justice Bayer. En date, près de vingt ans après les faits, le procès est encore en cours.
Et quid de Binet dans cette dramatique histoire ? Durant sa longue hospitalisation, Marion a lu énormément de bandes dessinées pour se changer les idées et également afin de réapprendre à son cerveau à lire et à se concentrer, ainsi qu’à manipuler des objets de tous les jours. Vous l’avez deviné, Robert et Raymonde Bidochon se situaient en bonne place dans sa liste de lecture. Devenue fan, elle envoie une lettre de remerciement à leur créateur. Une correspondance s’ensuit et l’idée de raconter cette malheureuse expérience en images et en humour a commencé à germer.
Les lecteurs qui ont lu Les Bidochon assujettis sociaux (Audie, 1985) se retrouvent immédiatement en terrain connu avec Marion. Piques variées envers le corps médical, dialogues aussi savoureux qu’assassins (L’aphasie de Broca ? C’est la mieux !) et une tendresse infinie pour la courageuse victime, le récit suit le cheminement difficile de la jeune femme. Le résultat est immensément drôle, malgré quelques redites ici et là. De plus, entre deux boutades, plusieurs informations sérieuses se glissent ici et là. Ça rigole et les rates se dilatent, mais la gravité n’est jamais loin. Par contre, une fois la situation posée, le scénario perd un peu de sa sagacité et le final (le procès, tout particulièrement) manque un peu d’énergie et de férocité. Le sujet important, c’est Marion et sa souffrance, le reste un peu moins.
Globalement équilibré et rondement mené (l’album ne compte que trente-sept pages), Marion est une lecture évidemment poignante. Même un peu moins inspiré qu’à l’habitude, Binet démontre qu’il est un maître quand il s’agit de mêler rire et larme.
Poster un avis sur cet album