D
u haut d’une colline, Vera observe un groupe de villageois aux prises avec les ouvriers d’un chantier débutant. Le calme revenu, elle s’approche du trou foré et procède à un cérémonial d’apaisement envers la terre. Revenue à Strasbourg, elle retrouve son amie Mary dans leur colocation. Sorcière comme elle, cette dernière passe son temps à bosser comme livreuse. Ce choix déplait à Vera qui préférerait qu’elles ne se consacrent qu’à la protection de la région. Un rôle d’autant plus important que guidée par Tama, leur chat noir, la jeune femme a découvert au cœur de la forêt un étrange bunker d’où émane une puissante énergie négative. Mais comment endiguer celle-ci alors que le duo est accaparé par les soucis et aléas d’un quotidien précaire ?
Pour sa première bande dessinée prévue en deux tomes, Tony Concrete a misé sur ses passions, les sources d’inspiration qui lui sont chères et sa propre expérience. Ainsi, le féru de vélo fait-il de ses héroïnes des cyclistes chevronnées, sensibles et reliées aux forces de la nature, et prises dans les difficultés des jeunes d’aujourd’hui. Sœurs de papier de la Kiki d’Hayao Miyazaki ou des figures féminines de Daisuke Igarashi (Sorcières), Vera et Mary sont des sorcières modernes, confrontées au chômage, aux petits jobs mal payés, aux exigences de la société peu conciliante avec les tire-au-flanc et à l’incertitude du futur. Lors des présentations, le lecteur comprend que leurs caractères se complètent et que leur approche et leurs priorités différentes n’empêchent pas la paire de fonctionner et leur amitié de s’épanouir.
Le récit respire donc la tranche de vie et les éléments relatifs à la magie s’y intègrent harmonieusement. Ainsi, des cérémonies rituelles ponctuent les événements ; l’une d’elles se déroule avec le mentor des jeunes femmes et permet d’aborder la question de la transmission des traditions. Tandis que les dons du duo restent discrets, l’intrigue autour du bunker maléfique avance à petits pas, les informations étant dispensées au compte-goutte jusqu’en fin de tome où le sujet reprend le dessus. Cependant, d’autres sujets intéressants sont mis en avant comme l’écologie, la nécessité d’un développement durable ou encore la pollution par le nucléaire. Le propos est porté par un dessin efficace au trait expressif, empruntant au manga tout en possédant sa singularité. Notamment, les personnages y sont bien caractérisés et les quelques vues de Strasbourg plutôt réussies.
Entre problématiques sociétales, écologie et slice of live, teintés d’un zeste de fantastique, ce premier volet de Majo ni michi se révèle une lecture plaisante. Un "franga" tranquille mais pas trop qui mérite d'être découvert.
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