S
e retourner sur un archétype, revisiter un classique en l’actualisant, en conservant sa trame, ou, à l’inverse, oser la parodie, tout en gardant sa tonalité et sa symbolique, les approches sont infinies. La force des contes, ces récits oraux immémoriaux que les Charles Perrault et autres Frères Grimm surent rassembler au sein de recueils devenus des références, tient dans leur plasticité et leur universalisme. Pour Capuche Blanche (titre un peu malheureux), Oscar Martin (Solo) propose une version absolument contemporaine du Petit Chaperon Rouge. S'il y a bien une jeune femme, une mère-grand, un loup et des chasseurs, méfiez-vous quand même des apparences…
Est-il possible de faire du neuf ou du pertinent en utilisant des ingrédients si vieux et si rebattus ? La réponse est oui et avec la manière en plus. Album quasiment hybride construit autour d’un long monologue décrivant le quotidien d’une héroïne en quête de soi, Capuche Blanche passe du roman psychologique, voire psychiatrique à la fable écologique, pour tâter du thriller et du drame social. Le plus fort ? Martin a réussi à conserver globalement la structure du conte d’origine. Ce tour de force est déjà remarquable en lui-même. Le contenu maintenant, en évitant de trop en dire et de gâcher la découverte évidemment. Tant le portrait de la protagoniste principale que les différentes pistes thématiques développées au fil de ses balades dans le bois s’avèrent percutants, implacablement mis en œuvre et palpitants à suivre.
Peu ou pas de dialogue, énormément d’introspection et de textes récitatifs, Tha réussit néanmoins à réaliser une véritable bande dessinée. Ses magnifiques illustrations à l’aquarelle répondent et complètent parfaitement les mots. Élégantes et superbement composées, celles-ci forment une narration graphique discrète, mais aboutie et fluide. La gestion du temps, par exemple, se montre particulièrement efficace grâce à un jeu visuel mélangeant les saisons et leurs couleurs.
Intelligente relecture pleine de surprises, parfois dérangeantes, mais toujours logiques et cohérentes, Capuche Blanche n’offre peut-être pas la morale attendue (tant mieux). À la place, l'ouvrage présente une vision implacable du monde d’aujourd’hui et décrypte cliniquement une femme tentant d’y surnager. Impressionnant de ressenti.
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