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n mai 1910, Colette, trente-sept ans, écrivaine déjà connue, mais également comédienne, est en escapade en Bretagne avec sa compagne Missy. De Cancale à Saint-Malo, en passant par la Pointe du Grouin, les deux femmes vivent pleinement leur épicurisme, de fruits de mer en bons vins, de promenades en lits accueillants. C’est en formulant son désir de pouvoir contempler ces paysages marins quotidiennement que l'artiste voit un écriteau salvateur : « Manoir de Rozven à vendre ». L’allure masculine de Missy ne permettant pas de faire aboutir les transactions, c’est Colette qui s’y colle et fait l’acquisition de la demeure, avec Titouan, l’homme à tout faire. Mais la vie de théâtre reprend ses droits : les représentations du mimodrame La Chair, la pièce au sein dénudé, les courtisans aux bouquets de fleurs, les libéralités de l’actrice. Monte-Carlo, Paris, Auguste-Olympe Hériot, Henry de Jouvenel, alias Sidi, les infidélités se multiplient. Missy se lasse et abandonne Colette à ses frivolités. Sa légèreté et son insouciance sont trop difficiles à suivre et à accepter. Colette vit une passion avec Sidi, qui décide de divorcer. L’épouse trompée, revolver en main, est bien décidée à éliminer l’impudique phénomène.
L’œuvre et le parcours de Colette (1873-1954) sont l’objet depuis plusieurs années d’une sorte de réhabilitation qui rend justice à l’une et à l’autre, substituant un discours plus subtil et moderne aux visions simplistes antérieures. Ses intuitions d’artiste et son style littéraire sont reconnus dans leur pertinence et leur originalité ; ses choix, ses engagements et ses affranchissements forcent le respect, même si perçus à tort comme les prémices du féminisme. Jean-Luc Cornette (La Perle, Fleur-de-Tonnerre) au scénario et Joub (Géronimo, Max et Zoé), au dessin, s’emparent de la parenthèse bretonne du destin de Colette (1910-1925) pour donner leur vision de cet ouragan (comme la qualifie le sous-titre). Dans l'album, Colette écrit peu, mais joue la comédie, devient journaliste, va sur le front pendant la Grande Guerre. Elle travaille beaucoup ; elle aime encore plus, avec son sens bien personnel des convenances. Cette période s’achève avec la liaison scandaleuse qu’elle eut avec Bertrand, le fils aîné de son mari, Sidi. Tout est emportement, spontanéité et énergie. Il importe peu de décider s’il est opportun de faire de Sidonie-Gabrielle, alors quarantenaire, une écervelée irresponsable au comportement éternellement adolescent. La bande dessinée emporte avec brio et amuse des confrontations violentes entre pulsions incontrôlées et bienséance de rigueur. L’ensemble est drôle et vigoureux.
Aux dialogues ciselés et à la sensibilité tangible, il faut ajouter le trait de Joub, simple, sans fioritures ni surcharge, cependant en accord avec la tension ou l’émotion de l’instant. Son traitement des couleurs pose les atmosphères, ses visages sont expressifs et le comique de situation ou de répétition lui doit beaucoup.
Rozven a été l’écrin qui a accueilli Missy, Sidi et Bertrand. Tous trois partis, ce sera un paradis perdu. Colette s'en ira vers d’autres aventures. Elle se détache aussi facilement qu’elle ne s’attache. Elle tourne avidement les pages du plus beau livre qu’elle ait probablement écrit : sa vie.
Nous allons parcourir un épisode de la vie de Colette qui fut une écrivaine de génie au début du XXème siècle à défaut d'être une femme scandaleuse pour son époque. Elle est aujourd'hui considérée comme l'un des plus grands écrivains français au même titre que Victor Hugo par exemple.
On va s'intéresser à sa vie sentimentale qui a été quelque peu tumultueuse. Elle a été une Brigitte Macron avant l'heure puisqu'elle est tombée amoureuse d'un garçon de 17 ans alors qu'elle en avait 47. Beaucoup peuvent crier au scandale mais l'amour n'a pas d'âge sauf peut-être en ce qui concerne certains tabous liés à l'âge adulte. Le détournement de mineur n'est pas loin.
Il faut savoir qu'elle a été également bisexuelle. Bref, elle a exploré toutes les facettes de l'amour ce qui la rend assez intéressante. C'est clair que cela a joué un grand rôle tant dans son œuvre artistique que dans sa vie privée que nous explorons à travers cette BD.
La Bretagne sera mise à l'honneur dans cette BD, encore faut-il pouvoir supporter le climat où la pluie tombe continuellement. Les clichés ont la vie dure mais Colette s'en fiche. Nous voilà embarqués dans un tourbillon qui souffle comme un ouragan ce que n'aurait pas renier une certaine Stéphanie.
J'ai adoré les dialogues assez exquis qui donnent du piment à ce récit. Par ailleurs, le graphisme met réellement en valeur non seulement l'expressivité des personnages de la Belle époque mais également les décors marins de cette région décidément très envoûtante.
Sinon, sur le fond, on a droit à une femme totalement libérée qui va s'adonner à cœur joie en croquant la vie à plein dent quitte à coucher avec le fils de son mari. Oui, dans ces milieux-là, on s'affranchit de toutes les règles de la bonne morale. On pardonnera à Colette ces écarts assez malsains car elle est quand même l'un des plus grands écrivains français. Il y aura toujours deux poids, deux mesures, il ne faut pas se leurrer.
J'ai encore le regard d'un non-littéraire. Je laisse le soin à mes amis bdgest' plus a guéris que moi de juger. En tous les cas, on ne s'ennuie pas avec une telle lecture !