A
uteur discret et décalé, Eric Veillé a bien de la misère à comprendre le monde qui l’entoure. Trop simple, trop linéaire, trop figé, c’est à travers des verres déformants et des écouteurs pas très fidèles à la réalité qu’il tente de surnager et d’appréhender cette société si bruyante. Le résultat est un peut-être un peu boiteux et pas mal dissonant, mais est-il tellement pire que la version originale ?
Recueil d’aphorismes, plus textuels que visuels, Le sens de la vie et ses petits rassemble les réflexions d’un observateur joueur et passablement dépassé. Pourtant, il avait promis à «Daniel de ne pas se moquer de la couleur de pauvre» et soutenu Sylvia quand «elle s’était séparée du père de ses ennuis». Rien n'y fait, «y a des fois on s’demande si on f’rait pas mieux d’aller boire une bonne bière en terrasse plutôt que d’déterrer une tante.»
Le ton oscille entre quiproquos sémantiques et simple plaisir du jeu de mots. Au passage, le scénariste égratigne également les expressions toutes faites que personne n’écoute vraiment. Une charge contre les chit-chats et les bavardages qui cachent en fait la vacuité de la majorité de nos échanges et de nos discussions ? Oui, certainement, mais surtout énormément d’humour et de peur de ne pas savoir quoi répondre à ces incessantes sollicitations au partage des avis et des sentiments.
Avec ses dessins et sa mise en page malheureusement un peu convenus face à une écriture discordante et tortueuse à souhait, Le sens de la vie et ses petits est une curiosité pleine d’esprit et d’intelligence. À découvrir, ne serait-ce que pour expérimenter la sensation d’«avoir tapoté une cuisse de poulet fermier dans le fond d’une piscine vide».
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