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ne nuit d’été, Stéphanie perd les eaux. Aussitôt, Samuel, le futur papa, s’apprête à l’emmener à la maternité, chargé des valises nécessaires. Il y a quarante-cinq minutes de route à faire dans la campagne. Sur place, faux travail, diagnostique l’accoucheuse de garde, mais le couple ne repartira pas. Évidemment, le personnel fera tout pour respecter le projet de naissance la plus naturelle possible de Stéphanie et Samuel. Toutefois, il aurait préféré jouer la sécurité. D’ailleurs, si l’enfant tarde trop, il faudra bien revenir aux bons vieux protocoles.
Après Les Pestiférés et Le collectif, Samuel Wambre livre un roman graphique très personnel, pour lequel il est seul aux commandes. Il y témoigne d’un moment unique : l’arrivée au monde de son premier enfant.
Conscient de lever le voile sur la pudeur des pères à ce sujet, l’auteur n’hésite pas à montrer les émotions qui l’ont traversé, à raconter son empressement, ses craintes, la pénibilité de l’attente, le désarroi et l’impression – fréquente – d’être démuni face aux douleurs de l’enfantement ressenties par sa compagne. À cet égard, il exprime son envie de bien faire, d’être présent et soutenant envers la maman. Toutefois, il laisse également filtrer leurs limites à tous deux et la nécessité, quand cela est nécessaire, de se mettre de côté pour mieux revenir aider par la suite. Quoiqu’assez linéaire, le récit décortique avec justesse et sans trop en faire les heures qui mènent à la délivrance. Il souligne également le rapport du couple aux soignants – obstétricien, sages-femmes, anesthésiste -, relevant les attitudes diverses de ces derniers, tantôt facilitantes, tantôt quelque peu culpabilisantes. Cependant, ce qui transparaît surtout dans cette BD, c’est le mystère même de la naissance, de la fascination que celle-ci suscite, ainsi que la prise de conscience de la fragilité de la vie. Une pointe d’humour se glisse par-ci par-là, notamment lors d’une visite des plus impromptues qui fleure bon l’authenticité.
Le dessin est en adéquation avec le propos. Le trait semi-réaliste fait la part belle aux émotions, les cadrages se plaisant à aller au plus près des visages, des gestes et à montrer les moments de partage. Dans les salles de monitoring et d’accouchement, il n’y a aucun voyeurisme, plutôt une volonté de s’approcher de l’intime, d’en révéler à la fois la beauté et la normalité. Par ailleurs, quelques schémas anatomiques viennent appuyer les échanges afin de mieux illustrer certaines informations. Enfin, les planches sont ponctuées de pages dans lesquelles l’auteur s’épanche, faisant état a posteriori de ses réflexions et de certains éléments sur cette grossesse et cette expérience à la maternité.
Véritable thérapie artistique, Naissance offre un point de vue sans pareil : le vécu d’un homme sur l’épreuve de l’accouchement. La démarche s’avère touchante et le résultat des plus honorables. S’il manque l’infime touche qui ferait vibrer, les lecteurs et lectrices pourront néanmoins apprécier cette histoire, susceptible de faire écho chez celles et ceux qui sont déjà parents ou de dédramatiser les choses pour les bédéphiles qui le deviendront prochainement.
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