E
n ce premier jour d’août, des vacanciers se bousculent et chahutent pour s’installer dans leur antre estival. Les cris et les rires fusent ; les piques entre habitués aussi. Enfants et adultes s’apprêtent à cohabiter pendant quinze jours à l’ombre des tombes et des mausolées d’un cimetière écrasé par le soleil italien. Accompagnée de son mari, Adam, et de leur fils, Cosmo, Diletta retrouve ce lieu où elle n’était plus allée depuis de longues années. Elle y sera au plus près de ses parents, décédés récemment. Tandis qu’elle apprivoise cette perte, c’est l’émoi autour d’elle : une directive municipale informe que cette villégiature va fermer.
Singulier, le récit concocté par SantaMatita l’est à la fois par le cadre choisi – quoique tout indiqué après réflexion – et par l’approche d’un sujet toujours délicat à aborder, le deuil. Ce dernier s’impose dès la première planche par le truchement d’une petite affiche qui fait sourire autant qu’elle intrigue au vu des commentaires qu’elle suscite. Pourtant, l'atmosphère relativement joyeuse fait penser à celle de n'importe quel club de vacances. Cette impression est renforcée par les couleurs lumineuses et plutôt gaies employées. D’ailleurs, même quand les grilles, les murets et les stèles du cimetière apparaissent, le climat reste bon enfant. Il y a la file devant les douches communes, les commérages vont bon train, ainsi que les querelles de voisinage. Les gamins passent leurs journées à jouer ensemble pendant que les grands bronzent, font la sieste ou cultivent rosiers et plants de tomates. Ce microcosme d’estivants donne lieu à quelques portraits et situations saisissants de vérité et sentant le vécu.
La perte des êtres chers prend une allure plus intime. Chacun est endeuillé, de plus ou moins longue date, mais son chagrin n’appartient qu’à lui. Celui qui l’affiche avec démesure se retrouve en butte aux critiques des autres. La peine se dévoile à demi-mot, s’inscrit dans la durée et la patience. Lorsqu’elle se partage, c’est avec douceur. Orpheline depuis peu, Diletta figure la période la plus immédiate du deuil ; celui qui fauche le survivant, le remplit de chagrin et d’angoisse, l’envahit jusqu’à l’étouffer et le laisser exsangue. Les autres personnages en mettent en évidence divers aspects et soulignent son acceptation progressive, ainsi que le vide laissé et non comblé. L’autrice s’attache également à montrer le lien étroit entre vie et mort, mais aussi que l’affliction touche autant les adultes que les plus jeunes.
La partition graphique se révèle particulièrement plaisante et en adéquation avec le propos. Le trait lâché de l’artiste possède une belle expressivité et anime agréablement ces estivants d’un drôle de genre. Grâce à la variété des cadres, ce petit univers se déploie dans les moindres recoins, baladant des espaces collectifs aux refuges de chacun, dévoilant le fond des cœurs esseulés comme la solidarité et le partage entre ces acteurs tous singuliers et bien campés.
Album tout en subtilité et délicatesse, Un dernier été au cimetière s'avère à la fois touchant et réconfortant. Un roman graphique à ne pas manquer et une artiste à suivre.
Un album choral, doux amer, pour apprendre à accepter la mort comme faisant partie de la vie.
Avec ce premier ouvrage, SantaMatita réussit un exercice plutôt casse-gueule: parler de la mort sans détours et surtout sans plomber l'ambiance.