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ormandie, fin 1943. Jacques et sa grande sœur arrivent à Tourouvre. Petits résidants de Levallois, alors régulièrement bombardée par les Alliés qui visent du mieux qu’ils peuvent les installations industrielles de cette banlieue, il a été décidé de les envoyer à la campagne pour leur sécurité. Ce sont donc deux titis parisiens qui débarquent à la cambrousse. Moqueur, intelligent et bonne pâte, le gamin s’adapte rapidement à sa nouvelle situation. Aider à la ferme, découvrir les chemins creux (en évitant la patrouille), des nouveaux copains, un peu d’école quand même, il deviendrait presque un vrai paysan du cru. Le débarquement du 6 juin va venir changer le ton de cette image bucolique. Combats, répression terrible de la part des nazis, la Libération est à la fois proche et terriblement incertaine.
Après le cousin Gilbert dans l’excellent Une vie d’huissier, Dav Guedin a mis la main sur un autre cahier familial (ou presque) dans lequel Jacques, alors nonagénaire, a recueilli les souvenirs de sa vie. M’ouais, le même type de récit biographique sur un Monsieur Tout-le-monde ? Cela ne va pas faire trop répétitif ? Jettes-y quand même coup d’œil insiste sa mère, il devrait te plaire, c’est un sacré gaillard et puis, ta mamie l’adorait. Ce dernier détail va faire la différence. Il faut dire que pour Dav, sa grand-mère est la personne la plus chère à son existence (avec sa maman évidemment). Si elle pensait que ce François était un bon gars, ça mérite qu’il s’y intéresse aussi. Bien lui en a pris, mais plutôt que de refaire un album similaire à celui sur son cousin, l’auteur a préféré se concentrer sur quelques mois de 1944, au moment où le sens du vent de la guerre venait de radicalement tourner.
Pour autant, le scénariste ne rejoue pas Le Jour le plus long et reste fidèle à ses préoccupations de toujours : l’humain, l’individu et ses relations avec son milieu social. Il offre ainsi un portrait saisissant de ressenti et de force d’un enfant urbain déraciné et lâché dans la ruralité d’avant la mécanisation. Au passage, Guedin propose également une fresque globale, réaliste et nullement caricaturale de ce coin de pays cher à son cœur. Ici, c’est le travail de la terre qui dicte le rythme et tout le monde met la main à la pâte. En échange, si les récoltes sont bonnes, les estomacs seront bien remplis (chose cruciale en ces temps de pénuries et de rationnement) et personne ne sera oublié autour de la table. Bienveillance, respect et acceptation des autres, peu importe d’où ils viennent, cet état d’esprit ancestral perdure encore aujourd’hui. En effet, l’exploitation existe toujours et a été transformée en ferme pédagogique où les parents de Dav œuvrent en tant que «famille d’accueil».
Généreux comme à son habitude, le dessinateur fait feu de tout bois et présente des planches grouillantes de vitalité et de détails. Se basant sur des photographies d’époque, il recrée avec enthousiasme et juste ce qu’il faut de gouaillerie tout un pan de la vie d’antan. Traditions disparues, gestes ancestraux passés à l’as avec l’arrivée des tracteurs, personnages dans leur jus, sans oublier les indispensables racontars - plus ou moins - héroïques et autres coups fourrés ciblant les Allemands, l’ensemble se lit comme un véritable roman d’aventure doublé d’un documentaire exemplaire.
Importante œuvre de mémoire alors que les derniers survivants de cette époque sont sur le point de disparaître, frappant exposé sur la générosité et le partage, sans oublier un touchant témoignage de l’amour que porte l’auteur aux siens, Moisson 44 est une lecture pour toutes et tous, de sept ans à soixante-dix-sept ans (et plus).
Voici l'évocation d'un petit parisien réfugié en Normandie en 1944. Il sera aux premières loges pour vivre le débarquement allié quand les américains ont sauvé notre pays du joug nazi. J'aime bien rappeler certains faits historiques que certains ont d'ailleurs totalement gommé de la mémoire afin peut-être de louer la gloire de la sainte Russie. Très peu pour moi.
Le portrait de ce gamin durant la Seconde Guerre Mondiale donne lieu à un récit choral. On se rendra compte qu'il y a eu également des moments assez heureux malgré tout. C'est également un bel hommage aux gens de la campagne pour une fois vu sous un meilleur jour. Certaines personnes qui en ont bavé dans leur vie reste toujours du bon côté à savoir celui de la tolérance, du pardon et de l'acceptation.
On apprendra également que les occupants allemands payaient leur dû avec politesse à la ferme alors que les anglais piquaient les poules sans payer. Oui, dans les faits, chacun a vécu la guerre un peu différemment. C'est toujours bon d'entendre des témoignages qui restituent ce genre de choses.
Cela n'enlève rien à l'illégitimité de l'Occupation nazie et aux horreurs commises dans leur chasse aux résistants ainsi qu'à la fin de la guerre en très mauvais perdant. Il ne faut jamais oublier que beaucoup de gens ont néanmoins souffert de cette terrible guerre...
Le dessin en noir et blanc s'est légèrement amélioré depuis « une vie d'huissier » avec une reconnaissance plus facile des visages des différents personnages. Le trait est toujours aussi épais ce qui n'est pas mon style préféré.
J'ai bien aimé cette BD qui respire la tendresse dans un monde en feu et à sang.