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rofesseur de mycologie, Mattéo a été invité à donner une conférence sur le sujet à l’université de Syracuse. Pour lui, outre le plaisir de partager son savoir, ce déplacement est également l’occasion de retourner dans la ville où il a grandi. Retrouvailles avec d’anciennes connaissances, observer comment la cité a changé, tout s’annoncerait bien, si ce n’était des nombreux squelettes et autres fantômes de son passé prêts à sortir de leur placards. Déjà, le temps ne s’annonce pas très beau et le mystérieux auto-stoppeur qu’il a pris en charge insiste pour s’engager sur un raccourci à faire frémir David Vincent…
Fable allégorique, récit fantastique et réalisation que le passé revient toujours nous hanter, Les fantômes de Syracuse explore, sous couvert de la fantaisie, la psychologie du remord en suivant les pas d’un homme ayant cru que l’éloignement guérirait toutes les blessures. C’est en mode «After Midnight en Sicile» qu’Alexandre Kha et Jean-Pierre Duffour ont abordé leur scénario. Le pauvre Mattéo va en effet en voir de toutes les couleurs alors que Méphistophélès entre dans la partie et que, Italie oblige, la Mafia surgit souvent au coin de la rue. Au milieu d’une succession non-stop de déboires abracadabrants, le héros va devoir se découvrir et faire amende honorable. Oui, personne n’est jamais totalement innocent et en fuyant la cité des années auparavant, il n’a rien réglé, bien au contraire.
Farfelu, si le propos n’avait été pas si grave, l’album à la construction explosée recèle un trésor d’inventivité narrative. Comme le protagoniste principal, le lecteur se retrouve à plusieurs reprises dans des labyrinthes où les reflets des miroirs s’avèrent aussi trompeurs que la nature des choses. Ce curieux jeu de piste permet à Jean-Pierre Duffour de se distinguer avec de nombreuses planches rappelant, toute proportion gardée, M. C. Escher. Outre le célèbre artiste batave, l’influence de Lewis Trondheim (avec qui le dessinateur avait collaboré au début de l’Association) se fait également remarquer. Plus que ces références, la lisibilité admirable et un sens affûté de l’espace rendent la lecture agréable et toujours surprenante.
Étrange récit sur le fil du rasoir entre rêve et réalité, Les fantômes de Syracuse est une excellente surprise regorgeant d’idées improbables et de réflexions plus profondes qu’il y paraît. Sur les rivages de la Méditerranée, pas d’improvisation ou d’à-peu-près. Soyez attentifs, chaque information, chaque détail ou action sont là pour une bonne raison et ne sont jamais le fruit du hasard. Une curiosité au premier sens du terme à découvrir.
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