A
u commencement, les jumeaux Iata - le Jour - et Oïdche - la Nuit - créèrent tous les êtres vivants pour combler leur ennui. Toutefois, ce fut leur mère, Béatha - la Vie - qui fabriqua la Terre pour les accueillir tous. Elle chargea aussi des créatures magiques, Elfes, Sirènes, Fées, Korrigans et Mogaïs, d’en prendre soin. Hélas, les humains se retournèrent contre leurs protecteurs et les prirent en chasse, accusant de sorcellerie toute personne soupçonnée de flirter avec le surnaturel. Des années après, une nuit d’octobre 1572, Ayla fait un rêve étrange. Fille d’un homme et d’une Mogaï, morts à sa naissance, elle a été élevée par Jeanne, une herboriste. Croyant en la magie, l’adolescente voit son destin bouleversé. Bientôt traquée comme sorcière, elle fuit et se lance sur les traces du peuple de sa mère.
Une louche de merveilleux, quelques gouttes d’onirisme, une cuillerée de vieilles croyances, un fond d’Histoire et une pincée de féminisme : tels sont les ingrédients rassemblées par Séverine de la Croix (Vegvisir, Prométhium Lila, Naya Pika) pour concocter Le livre d’Ayla. Dès les premières pages de La rune des deux mondes, le lecteur est initié à une légende qui pose les fondements de l’univers imaginé par l’autrice. Cette introduction permet de présenter le pan mystique sous-tendant l’intrigue, avant que les aventures de l’héroïne ne s’imposent. Dans ce tableau d’ensemble, les éléments historiques – évoqués par des dates précises, des tenues rappelant le XVIe siècle européen – paraissent davantage décoratifs que vraiment factuels ; pour l’instant, ils se limitent à cerner le contexte, la chasse aux sorcières, et à montrer les heurts entre ses partisans et celles qui en sont victimes. Ce postulat sert de tremplin à la quête identitaire et initiatique d’Ayla. De là, le récit entre de plein pied dans le fantastique et s’oriente vers une découverte de ce monde aux marges de la présence humaine.
La narration navigue avec plus ou moins d'aisance entre événements successifs, rencontres, explications et flashback. Malgré des transitions parfois hachées, le propos demeure intéressant et suffisamment accrocheur pour avoir envie d’en apprendre davantage. Ce besoin est en partie rassasié par les textes illustrés qui s’invitent dans l’histoire en prenant la forme de notes dans un journal de bord. Cependant, l’album doit également beaucoup à la partie graphique, confiée à Violette Grapski. Cette dernière s’est pleinement approprié personnages et décors pour livrer une partition réussie. Le bestiaire, en particulier, reflète son souci de souligner l’importance de la nature et la symbiose de celle-ci avec les créatures surnaturelles présentées. Outre un trait fin et expressif, le dessin se distingue aussi par une grande douceur et la poésie se dégageant d’une mise en couleur à l'aquarelle parée de teintes pastel.
Destiné aux jeunes bédéphile, ce premier tome du Livre d’Ayla ouvre un conte prometteur, ancré dans des thématiques écologiques et sur la place des femmes.
Poster un avis sur cet album