V
éritable fourmilière, la cour intérieure du palais impérial d’Hoguki accueille des centaines de nobles, concubines et servantes. Parmi ces dernières, O Karin tente de se faire une place et, surtout, des amies. Malheureusement, la réputation sulfureuse de son père, O Ko, un fonctionnaire redouté de tous, ne l’aide guère. Pourtant, l’adolescente ne manque pas d’atouts. Elle manie aussi bien l’aiguille à broder que les armes blanches. Un talent des plus utiles dans ce vase clos où les tentatives d’assassinat contre le jeune empereur, Gyosei, se multiplient, sur fond de lutte d’influence entre trois femmes de son entourage.
Depuis le Dit du Genji, les intrigues de cour constituent une source récurrente d’inspiration pour romanciers, cinéastes et mangakas. Surfant sur la même vague que les remarqués Carnets de l’apothicaire (déjà douze volumes signés Itsuki Nanao et Neko Kurage) également publiés par Ki-oon, Le Palais des assassins invite, à son tour, les lecteurs à plonger dans un univers inspiré de la Chine ancienne ou du Japon médiéval où les rivalités féminines vont bon train. Dans ce cadre propice aux manigances de tout acabit, Tabasa Iori introduit une héroïne ignorante et maladroite en matière de relations, mais experte dans l’art de tuer de sang froid. Assez rapidement, l’adolescente se montre attachante, notamment en raison de sa propension à commettre des impairs et de la frayeur qu’elle inspire, sans le vouloir, à ses camarades. Ces derniers points instaurent un comique de situation qui détend plaisamment l’atmosphère. De plus, le récit se révèle bien rythmé et les quatre chapitres de ce tome introductif s’enchaînent sans temps mort. L’alternance entre la vie quotidienne dans les quartiers des femmes et les moments plus trépidants d’affrontement fonctionnent bien.
En revanche, il est dommage que ces premières aventures manquent de suspense et que les mystères y soient résolus en un tournemain. De même, les caractères des personnages secondaires se révèlent encore trop peu marqués. Cependant, la cérémonie de thé rassemblant le trio féminin dominant et les rares apparitions de l’empereur laissent entrapercevoir des éléments qui pourraient déboucher sur une évolution un peu plus corsée. La mise en image accompagne plaisamment le propos. Le trait se montre expressif ; les décors sont soignés, en particulier dans la représentation des costumes de ces dames. Enfin, le découpage et les cadrages variés assurent une bonne dynamique d’ensemble.
Lecture assurément distrayante, cet opus initial du Palais des assassins ouvre un seinen qui pourra plaire à un public adolescent, mais devra monter d’un cran pour convaincre des mangaphiles plus exigeants.
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