C
ertains livres restent sur la PAL, la fameuse "pile à lire" un peu plus longtemps que d'autres. Ce n'est pas par manque d'envie. La cause est plutôt à chercher dans l'état d'esprit qu'il conviendrait avant d'en entamer la lecture. Par crainte d'un ouvrage compliqué (d'aucuns diront imbitable) ? Au contraire, dès la couverture, la promesse est celle d'une expérience presque immersive. Le Roi Méduse est de cette trempe. Il convient donc d'avoir une certaine disponibilité d'esprit pour se plonger dans ce monde.
Avec Brecht Evens, le cadre explose, le graphisme et la couleur se muent en une écriture à part entière. Les planches forment un enchevêtrement de figures visuelles et narratives qui offrent bien plus à voir que la majorité des bandes dessinées. Et pourtant, tout reste d'une fluidité parfaite. Dès les premières planches, étrangement oniriques, un monde se met en place. Une tragédie s'installe, entre vie et mort. Après cette introduction fascinante, le récit semble se poser sur des rails plus communs. Arthur grandit avec un père en ruine. Seul, l'enfant ne trouve que le dessin pour communiquer avec un homme brisé. Mais lorsque ce dernier semble revivre, il entraîne son fils dans une épopée paranoïaque, persuadé qu'un vaste complot menace le monde. S'ensuit une période étrange, entre entraînements martiaux en vue d'un grand combat hypothétique, diverses rencontres avec de potentiels compagnons d'armes, tous plus excentriques les uns que les autres. Pour le jeune héros, cette enfance atypique ressemble à une aventure perpétuelle, sans réaliser la folie sous-jacente qui structure son monde. L'édifice est fragile. Il pourrait s'effondrer à tout moment. Ce n'est qu'une question de temps.
Prévu en deux tomes, la conclusion étant attendue pour le début de l'année prochaine, Le Roi Méduse se place à hauteur d'enfant, posant un regard naïf et chargé d'admiration d'un gamin pour son père, son héros, son modèle... et tant pis s'il n'est pas comme les autres, s'il le condamne à une vie marginale, envahie par une angoisse incessante. C'est donc un voyage en décalage, poétique et merveilleux qui débute dans ce premier volet. La beauté est omniprésente. Les pages sublimes se succèdent, à la fois magnifiques en tant qu'entités isolées et pourtant partie intrinsèque de l'objet narratif. Histoire pour adultes camouflée en récit jeunesse, à moins que ce ne soit l'inverse, ce titre littéralement envoutant installe le décor d'une épopée fantastique. L'impatience de lire la conclusion n'en est que plus grande.
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