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écit venant de la nuit des temps, voire de son avant-veille, Ours liquide narre la quête initiatique d’un plantigrade céruléen. Seul survivant d’une terrible bataille pour le pouvoir, il a été chargé par un dragon ancestral de faire renaître la vie dans un monde devenu stérile. Aura-t-il la force de compléter sa quête ? En a-t-il seulement l’envie, après avoir perdu ses compagnons ? De toute façon, face à des forces plus grandes que tout, a-t-il simplement le choix ?
Résumé de cette manière, Ours liquide pourrait passer pour un énième album d’heroic-fantasy comme il en existe à foison. Ce serait mal connaître Alex Chauvel, surtout à la vue de l’étrangeté de ce projet livresque non identifié. En effet, le tome se présente sous la forme d’un rouleau de papier long de quinze mètres. La lecture suit donc une espèce de travelling vers la droite. La narration n’est pas strictement continue ou, à l’inverse, hachée pour autant : différentes scènes se succèdent et le temps passe naturellement. L’auteur a imaginé une foule d’astuces afin de découper son propos. Sans trop déflorer les surprises, il y est question de décors surgissant de l’éther de la page blanche et d’alternance entre vide et moments grouillant de détails. Les lecteurs des Pigments sauvages se retrouveront en eaux connues, les autres en seront quitte pour découvrir un autre aspect de la bande dessinée.
Visuellement, l’immersion est totale. Trait et créatures rappelant le Lewis Trondheim d’il y a trente ans, couleurs éclatantes et une mise en page inventive inspirée utilisant judicieusement les proportions de ce volumen extraordinaire, Chauvel s’est certainement beaucoup amusé (et pas mal arraché les cheveux) pour composer cette saga. Autre point fort, les dialogues au parler tout contemporain apportent un décalage bienvenu et énormément d’humour à l’ensemble de l’entreprise. De plus, si le mysticisme et la genèse figurent au sommaire, il s’agit avant d’un conte ou d’une pseudo-légende populaire immensément sympathique.
Le côté livre-objet est impossible à manquer. Sa réalisation technique (papier, impression, finitions) est impeccable. Passée la surprise de la découverte de ce qui pourrait faussement passer pour un gadget, force est de constater qu’Ours liquide est avant tout une très bonne histoire aux ressorts classiques. Heureusement, le dessinateur a véritablement su sublimer celle-ci en exploitant parfaitement la nature de son support. Grands panoramiques (évidemment), montages parallèles audacieux, décomposition et recompositions continuelles des actions, etc., le format fait sens et influence le déroulement des évènements tout au long de cet ouvrage aux dimensions inusitées.
À noter, l’album est disponible auprès de libraires de qualité, en festival auprès de l’auteur ou en ligne directement chez l’éditeur Round not square
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