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igure importante du monde des explorateurs, Jean Louis Burckhardt (1784 – 1817) est resté dans les mémoires comme celui qui a redécouvert la cité de Petra en Jordanie et été un des premiers occidentaux (quarante ans avant Richard Burton) à visiter La Mecque. À sa mort précoce au Caire, il laisse derrière lui une impressionnante collection de manuscrits calligraphiés et une documentation précieuse sur le Proche-Orient et ses habitants. Pourtant, citoyen helvétique de naissance, rien ne le prédisposait à devenir orientaliste, arabophone et agent au service de la couronne anglaise…
Récit biographique, L’espion d’Orient se concentre sur les années de voyages de Burckhardt. Après un chapitre londonien servant à introduire le personnage principal, Danièle Masse hisse les voiles et raconte par le détail le cheminement qui le conduira en Terre Sainte, Égypte et Arabie. L’apprentissage de l’arabe et des us et coutume afin de se fondre dans la population (qui ne sera jamais totalement dupe), des rencontres improbables avec d’autres aventuriers (dont l’excentrique Lady Stanhope, la «reine de Palmyre») et beaucoup d’attentes sont au programme. En Europe, l’épopée napoléonienne est toute récente. Plus au Sud, Ottomans et Arabes se battent pour la suprématie locale. Il faut faire attention, sans compter que des tribus de Bédouins rançonnent les caravanes et les imprudents. La route est dure et réellement dangereuse ; Burckhardt en fera les frais : il décédera de maladie et d’épuisement à l’âge de trente-trois ans seulement. En contrepartie, les émerveillements sont extraordinaires : Petra, les temples d’Abu Simbel, la philosophie orientale et, tout simplement, la magie du désert et de ces cultures plurimillénaires.
Aux pinceaux, Alexis Vitrebert se démarque et, de la grisaille du Royaume-Uni au soleil accablant du Sinaï, il rend une copie admirable. Burckhardt ayant décidé de se transformer en pèlerin pour passer inaperçu, le dessinateur le montre devenir, petit-à-petit, une figure quasi-mystique à la longue barbe et au regard rempli de sagesse. Malgré un découpage (trop ?) serré, il arrive également à retranscrire la grandeur des monuments par l’intermédiaire de grandes compositions de toute beauté. Seules quelques scènes soulignant les errements intérieurs du voyageur se font remarquer. Si ces éléments sont importants pour comprendre la psyché du héros, ceux-ci se démarquent du reste de la narration et cassent le rythme de lecture.
Classique dans sa forme et à la hauteur de son sujet, L'espion d'Orient - Johann Ludwig Burckhardt et Petra, la cité perdue est un ouvrage solide et rempli de grâce, ne cachant en rien les réalités endurées par un homme littéralement habité par sa mission.
Ce récit, plutôt long et documenté, propose de suivre ce voyage assez incroyable qu'a fait Bruckhardt à une époque ou les quelques occidentaux qui s'aventuraient, assez souvent pour le compte des puissances de l'époque, mouraient rapidement.
Cette BD se lit plutôt bien et décrit fidèlement les différentes étapes et les temps, parfois long, (en mois, années) passées par Bruckhardt dans ces lieux. Ca nous rappelle au passage la différence de rapport au temps entre cette époque/culture et notre réalité actuelle, un autre univers.
Nous replongeons, dans l'emprise qu'avait imposé Napoléon à l'Europe notamment, un morceau de notre histoire qui n'est pas décrit comme cela dans nos livres et qu'il est utile de se rappeler au passage.
Le dessin est efficace et les lieux/batiments sont bien rendus et offrent quelques belles planches.
Je suis moins fan des visages qui manquent parfois de variété dans les expressions. Le personnage principal pourrait gagner en épaisseur, relief ou souffle dramatique : il ne s'avère pas toujours très attachant (il ne l'était peut-être pas en réalité !).
, ... et sinon... quand même... dessiner une oreille c'est si compliqué que ça ? Je ne m'explique pas pourquoi le dessinateur dessine des espèces de soucoupes marrons à la place des oreilles alors que les mains ou autre éléments de détails sont rendus correctement. bizarre et ca m'a laissé une impression de "mal fini, manque de temps" jusqu'au bout.
Un ouvrage qui se laisse lire néanmoins et qui mérite un détour. Si vous avez aimez, une autre BD : "Abdallahi" propose le même type de récit avec un visuel plus aboutit de mon point de vue
Alexis Vitrebert est apparu dans le champ de la BD il y a cinq ans sur le très remarqué Château de mon père et confirme sa maitrise narrative et illustrative sur ce gros volume qui retranscrit le journal de l’explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt. Pour sa seconde BD (après un docu sur Gisèle Halimi) la chercheuse Danièle Masse oublie en revanche de nous raconter une histoire en restant trop près de ses sources. L’album prend ainsi la forme assez plate d’une succession de plans, de séquences d’attente répétitives. La réalité des récits de Burckhardt ne doit pas faire oublier qu’une histoire se doit de comporter des personnages, une tension dramatique, des surprises… choses absentes de cette sorte de journal illustré qu’est L’espion d’Orient.
L’album commence pourtant plutôt bien avec ces superbes dessins croquant le jeune suisse errant dans une Londres pluvieuse à la recherche d’un emploi sur recommandation. Finalement embauché par l’African association qui finance des explorations en lien avec le ministère des Affaires Etrangères, il débarque à Malte puis en Jordanie où il se crée le personnage de Cheikh Ibrahim qui lui permettra de passer inaperçu dans ses itinérances moyen-orientales, cette poudrière incontrôlée où brigands, tribus bédouines et chefs de guerre rendent les chemins si aventureux en pleine concurrence avec l’empire napoléonien. Prenant le temps d’apprendre la culture et la langue arabe, Burckhardt navigue entre transmission des notes qui intéresseront vivement les Renseignements britanniques, longues attentes d’un financement ou d’une caravane et rencontre avec puissants diplomates ou chefs locaux.
Le scenario part donc très bien jusqu’à son arrivée au Moyen-Orient où le rythme se trouve brisé par une alternance de scènes sans grands repères temporels, redondantes, qui finissent par ennuyer la lecture. Est-ce une volonté narrative de reproduire l’ennui de l’aventurier ou simplement la confusion entre une histoire à raconter et un Journal à illustrer? Toujours est-il qu’on arrive vite frustré à la lecture de ce long album sans grand souffle, malgré l’aspect Bigger than life du personnage. Hormis quelques interactions fugaces avec des Figures historiques que seuls les plus érudits reconnaîtront, on a tout le long le sentiment que l’universitaire déroule son descriptif historique un peu pros proche de ses notes en oubliant de faire vivre ses personnages. En tant que documentaire l’album pourra trouver un certain public. Les lecteurs classiques se contenteront eux d’admirer les très belles planches…
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