C
orto est de retour !
Hugo Pratt pouvait cultiver l’idéalisme de son héros dans un siècle qui avait engendré la Der des Ders, mais qui espérait en des lendemains radieux. Martin Quenehen et Bastien Vivès ne peuvent s’autoriser un tel luxe avec un XXIe siècle déjà au bord de l’implosion et, pour l’occasion, le pirate se fait corsaire et obtient ses lettres de marque auprès d’une reine de cœur aux accents bosniaques et au nom d’origine babylonienne. En soit, déjà tout un voyage !
À l’évidence, ce Corto demeure un Maltese ! Naviguant d’eaux vénitiennes en désert persique, il cultive les rencontres comme autant d’escales. Toutefois, l’époque est désormais au pragmatisme plus qu’au dilettantisme... il faut bien être en phase avec les évènements, quitte à en accepter une part d’enfer ! Aussi, dans ce dernier album, l’archange désabusé se transforme un ange déchu. Tout le brio de Martin Quenehen est alors de le balloter d’un conflit à un autre, tel un navire en perdition et de lui permettre de surnager grâce aux réminiscences d’un passé qui n’appartient qu’à lui et qui, telles des bouées disséminées déci-delà, l’aide à surmonter l’instant présent en attendant des jours meilleurs. Mais Corto est avant tout un trait, un style que Bastien Vivès sait intelligemment réinterpréter avec les armes qui sont les siennes. Ainsi, dans un brillant exercice graphique, il en change la forme et en adapte l’esprit sans pour autant en trahir l’essence.
La reine de Babylone perpétue, à sa manière, le mythe d’un romantique adepte d’ésotérisme et de cause perdue qui, dans un camaïeu de gris, fait resurgir les fantômes d’hier et met à nu ses démons trop longtemps ignorés.
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