T
out se perd ma pauvre dame. Il fut une époque où les auteurs, même de BD, travaillaient pour de vrai. Les idées, il fallait les chercher, les creuser et les mettre place. Ce métier n’était pas facile. Impossible de le faire en dilettante entre deux séries télé et une réception mondaine. De l’éthique, du respect et la satisfaction du labeur accompli. Aujourd’hui, ce n'est plus pareil, tout est prémâché, il n’y a qu’à se baisser et ramasser au hasard la tendance du moment des réseaux sociaux ou la dernière idée du gouvernement. Trois clics, deux phylactères colorés (ils osent tout afin de se faire remarquer) et hop, le gag est là, comme s’ils avaient inventé quelque chose. Des feignants et des assistés, rien d’autre. Tout ça dans le pays de l’esprit et de la distinction. Choron et Reiser doivent se retourner dans leurs tombes.
Oui, Emmanuel Reuzé et ses comparses (inutiles de les nommer, ça leur ferait de la publicité) ont bien compris le monde actuel. Ils reviennent avec une quatrième fournée de Faut pas prendre les cons pour des gens, la série à succès et de bon goût. Entre rire et pleurer, ils ont fait leur choix et c’est par le petit bout de la lorgnette qu’ils observent et étrillent la société. Crises diverses et variées, autodérision et réactions incohérentes, rien n’échappe à leur traitement à base d’absurde et de décalage. Pour le lecteur, il y a deux choix : soit vous riez avec eux, soit vous êtes complice (ou victime collatérale) des aléas des temps modernes. Attention, les piques volent parfois bas et aucune sensibilité n’est épargnée.
Mécanique huilée aux petits oignons, un peu de méchanceté gratuite pour plus de plaisir et un dessin contemporain en diable, Faut pas prendre les cons pour des gens 4.0 se montre à la hauteur de la bêtise de son sujet : nous.
La recette n'a pas vraiment changé depuis le début, mais le résultat est toujours aussi savoureux.
Un humour tranchant avec des vus d'esprit qui à certains moments frôlent le génie.
Le seul reproche qu'on pourrait avoir, c'est la vitesse à la quelle on finit la bd. C'est frustrant au possible. A contrario, je ne suis pas sûr qu'en doublant la quantité on ne fasse pas une indigestion.
Pour les amateurs d'humour absurde et anti-politiquement correct.