U
n étrange cheval aux yeux fous galope dans un décor post-apocalyptique. Entre vastes étendues de western et décharge infinie, il croise des grappes d'humanités, dont cette communauté qui s'est agglutinée autour d'une carcasse d'avion. Malgré quelques dissensions internes, la majorité se range derrière son chef, Mâchoire, et décide de capturer l'animal, qui pourrait constituer un atout essentiel pour la survie. Surveillés à leur insu par de mystérieux hommes volants, ils se lancent dans une traque infernale.
Lorsque Guido Buzzelli entame la réalisation de HP, il se sent plus que jamais en décalage avec le monde qui l'entoure. La peinture figurative est honnie, considérée a minima comme ringarde. L'art conceptuel règne désormais et des gourous deviennent les nouveaux maîtres à penser, quitte à tomber dans le piège de la dictature. Il n'en faut pas plus pour dégouter l'auteur de Zil Zelub, qui a toujours témoigné une grande méfiance à l'égard des modes et du totalitarisme.
La conception de ce récit semble découler d'une volonté de prendre tout ce qui est dévalorisé et d'en tirer un feuilleton méchant et absurde. L'atmosphère de fin du monde permet de mélanger allègrement les genres. Des cavaliers y côtoient des soldats équipés de combinaisons à réaction. Une ville futuriste apparaît comme une dictature hygiéniste dans laquelle les avancées scientifiques servent les desseins tyranniques d'une élite déconnectée. Des inadaptés fuient la métropole pour composer une sorte de cour des miracles, leurrés par une illusion de liberté absolue qu'ils commencent à pervertir à la première occasion.
Et au milieu de ce mélange foutraque, HP galope.
HP tient presque du manifeste, illustrant la volonté pour l'auteur de continuer, envers et contre tout, à tracer sa route. Comme d'habitude, il se met en scène, toujours un peu pathétique, s'acharnant à peindre, malgré les injonctions contraires, persuadé que tout cela n'est qu'une vieille histoire de modes et d'étiquettes, qui se répètent . Dans un ultime pied de nez, le scénario de Kostandi s'achève sur une conclusion violemment cynique.
Le dessinateur n'a pas volé son surnom de Michel-Ange des Monstres. Il compose toujours une galerie de personnages hauts en couleur. Il déroule des planches qui semblent déroutantes de facilité mais qui démontrent une maitrise indéniable. D'autant qu'il se fait plaisir, multipliant les scènes incluant des chevaux, son modèle de prédilection. Et si le récit paraît parfois improvisé, il reste plaisant, sans pour autant atteindre les sommets de La révolte des ratés ou Zil Zelub. Décidément, en refermant ce quatrième volume de l'anthologie que lui consacre les Cahiers Dessinés, il reste difficile de comprendre pourquoi Guido Buzzelli n'a jamais obtenu la reconnaissance qu'il mérite.
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